Les
développements théoriques relatifs à l’échange international qui seront
présentés dans ce cadre se basent sur deux hypothèses : la concurrence est
supposée parfaite et les biens produits sont homogènes. Ces deux hypothèses
sont dans la réalité très restrictives au moins pour les deux raisons suivantes
: d’abord, certains biens sont produits par un nombre réduit de firmes. A titre
d’exemple, les automobiles sont fabriquées par un nombre limité de grands
constructeurs. Dans ces conditions, la concurrence ne peut être considérées
comme parfaite vu le nombre réduit d’offreurs. Ensuite, s’agissant des biens
produits, la condition de l’homogénéité est de plus en plus dépassée car, pour répondre
à des besoins spécifiques de la demande, les producteurs s’adaptent en offrant
des biens différenciés. L’exemple de l’automobile cité précédemment en est un
bon exemple.
Cette brève
introduction sur les fondements théoriques de l’échange international nous
amène ainsi à distinguer ce que l’on appelle la théorie orthodoxe des nouvelles
théories du commerce international. En s’inscrivant dans le cadre de la
concurrence parfaite avec biens homogènes, c’est l’orthodoxie classique qui
sera privilégiée dans cette présentation.
Coûts absolus et coûts comparatifs
A/ L’avantage
absolu ou coûts absolus
Derrière la
notion d’avantage absolu avancée par A.Smith, il y a une notion fondamentale
qui se dégage, celle de l’efficacité dans la production comme déterminant de la
spécialisation et des échanges. Pour Smith, « quand un pays est plus efficace
dans la fabrication d’un produit X relativement à son partenaire commercial,
alors que ce même pays est moins efficace dans la fabrication d’un produit Y
(toujours relativement à son partenaire commercial), chaque pays est alors
considéré comme disposant d’un avantage absolu pour L’un des produits. Par
conséquent, chaque pays doit se spécialiser dans la production du bien où il a
un tel avantage ».
L’efficacité
sous entend ici le coût de production. Dans l’optique classique de la valeur
travail, le coût de production d’un bien correspond à la quantité de travail
nécessaire à sa production.
Exemple :
Supposons que pour produire une tonne d’oranges, un pays 1 utilise 40
travailleurs alors que la même tonne d’oranges nécessite 50 travailleurs dans
le pays 2, on dira alors que le pays 1 dispose d’un avantage absolu dans la
production d’oranges. Il se spécialise donc dans les oranges.
L’exemple qui
précède permet d’illustrer la notion d’avantage absolu en raisonnant sur un
seul bien. Or, compte tenu des postulats de Smith, le raisonnement doit porter
sur deux biens. En introduisant les dotations en facteur travail des pays
partenaires commerciaux les conditions analytiques de l’avantage absolu peuvent
être définies de deux manières :
Notations
L1 et L2 les
dotations en facteur travail respectivement du pays 1 et du pays 2.
aX1 et aY1 les
besoins en travail par unité produite respectivement pour le bien X et pour le
bien Y dans le pays 1
aX2 et aY2 les
besoins en travail par unité produite respectivement pour le bien X et pour le
bien Y dans le pays 2.
X1, X2, Y1, Y2
les quantités de biens X et Y produites respectivement par le pays 1 et le pays
2
L’avantage absolu
est déterminé sur la base d’une comparaison bien par bien selon les deux
optiques suivantes :
Première
optique:Comparaison entre pays des besoins unitaires en main d’oeuvre bien par
bien :
. Bien X : aX1
et aX2
Bien Y : aY1 et
aY2
Si aX1 < aX2
et aY1 > aY2 ; alors on dira que le pays 1 a un avantage absolu dans la
production du bien X et le pays 2 a un avantage absolu dans la production du
bien Y.
Deuxième
optique:
Comparaison entre pays du rapport inputs –
outputs bien par bien.
Comparer
L1/X1 et L2/X2
Comparer
L1/Y1 et L2/Y2
Si L1/X1
< L2/X2 et
L1/Y1 > L2/Y2
alors on dira que le pays 1 a un avantage absolu dans la production du
bien X et le pays 2 a un avantage absolu dans la production du bien Y.
La notion
d’avantage absolu impliquant la spécialisation des pays, on en déduit ainsi une
forme de division internationale du travail. L’échange qui aura lieu est tel
que le pays 1 exportera le bien X et le pays 2 le bien Y.
B/ Avantages
comparatif ou couts comparatifs
La théorie de
l’échange international est essentiellement l’oeuvre de David Ricardo (1817).
L’apport essentiel de cette théorie consiste à considérer que la technologie de
production constitue une variable déterminante de l’échange international. En
effet, le différentiel de coûts comparatifs de production, condition nécessaire
à l’échange international, reflète en réalité une différence dans les
techniques de production.
Définituions et
notations:
Le coût
comparatif est représenté par le rapport des coûts absolus de deux biens dans
un pays donné. En reprenant les notations précédentes, on a :
ax1/ ay1
le coût comparatif des deux biens X et Y dans le pays 1.
,ax2/ ay2 le coût comparatif des deux biens X et Y
dans le pays 2.
De la
comparaison des coûts comparatifs découlera la spécialisation des pays. En
effet, si :ax1/ ay1
ax2/ ay2 (1)
alors on dira
que le pays 1 dispose d’un avantage comparatif dans la production du bien X et
que le pays 2 dispose d’un avantage comparatif dans la production du bien Y. Le
pays 1 se spécialise donc dans le bien X, le pays 2 dans le bien Y et l’échange
international de biens sera tel que le pays 1 exporte le bien X et le pays 2
exporte le bien Y
Le raisonnement
sur les coûts comparatifs implique également un raisonnement en terme de
différences de productivité entre les pays et les secteurs de production. En
effet, si on raisonne sur les coûts relatifs bien par bien (ou secteur par
secteur) et pour les 2 pays 1 et 2 conformément à l’exemple suivant, on a :
Exemple :ax1/ ax2
= 2/3 ;
ay1 / ay2 = 4/5
lorsque le pays 2 utilise une unité de main d’oeuvre pour produire une
unité de bien X, la même unité de bien X peut être produite dans le pays 1 en
utilisant seulement 0.66 unité de main d’œuvre. En revanche, si le pays 2
utilise une unité de main d’oeuvre pour produire une unité de bien Y, la même
unité de bien Y est produite dans le pays 1 par 0.8 unité de main d’œuvre.
Ainsi, on voit bien que le pays 1 a une meilleure productivité de la main
d’œuvre dans le secteur du bien X par comparaison avec le secteur du bien Y. Le
pays 1 doit donc allouer toute la main d’oeuvre disponible au secteur du bien
X. En inversant les rapports, on peut déduire que le pays 2 a intérêt à allouer
toute la main d’œuvre dont il dispose au secteur du bien Y. ⇒
Partant de cet
exemple, la spécialisation internationale des pays commande que chaque pays
alloue le facteur travail dans le secteur qui présente la meilleure
productivité du travail. La condition (1) énoncée précédemment est une
condition nécessaire à l’échange international. La condition suffisante pour
que cet échange ait lieu est donnée par la condition (2) suivante : Px1/ py1
< Pxw/ pyw< Px2/ py2 (2) avec :
Px1 le prix du
bien X dans le pays 1
Py1 le prix du
bien Y dans le pays 1
Px2 le prix du
bien X dans le pays 2
Py2 le prix du
bien Y dans le pays 2
Pxw le prix
mondial du bien X
Pyw le prix
mondial du bien Y
Puisque aX1
représente le coût unitaire du bien X dans le pays 1, ay1 le coût unitaire du
bien Y dans le même pays et sachant que l’équilibre de concurrence parfaite à
long terme implique l’égalisation du prix au coût moyen (coût unitaire), on a
donc :
Px1 = aX1
Py1 = ay1
Pour les mêmes
raisons, on peut écrire :
Px2 = aX2
Py2 = ay2
A noter que le
rapport des prix des biens (prix relatif) correspond aux coûts comparatifs. Par
ailleurs, la condition 2 signifie que l’échange international de biens entre le
pays 1 et le pays 2 est possible car sur le marché mondial, le pays 1 peut
vendre le bien X à un prix plus élevé et inversement pour le pays 2 si on
inverse le rapport des prix relatifs.
L’illustration
graphique des conditions de l’échange international peut être réalisée compte
tenu des données précédentes.
Pays 1
La quantité
maximale de bien X que le pays 1 peut produire est : X1 = X1 = L1 / ax1
La quantité
maximale de bien Y que le pays 1 peut produire est : Y1 = Y= L1 / ay1
⇒Y1 / X1 =
ax1/ ay1 ⇒ Y1
= ax1/ ay1.X1 (offre relative
dans le pays 1)
La même démarche pour le pays2 conduit à :
Y2 = ax2/ ay2.X2(offre dans le pays 2)
En tenant compte
de la condition (1) et sachant qu’au niveau mondial, on peut écrire :
Yw = Yw
=PxW/ PyW.XW(offre relative mondiale)
On peut alors
déterminer graphiquement une autre condition de l’échange international en
raisonnant sur les courbes d’offre relative :
tangα < tang
γ < tang β (3)
Les conditions
de l’échange ayant été définies analytiquement, il reste à présent à mettre en
évidence l’intérêt de la spécialisation et de l’échange international
L’intérêt de la
spécialisation et de l’échange international réside dans le fait que les
consommateurs de chaque pays peuvent consommer des quantités plus importantes
relativement à la situation d’autarcie caractérisée par l’absence d’échange de
biens entre les pays. Il est possible de démontrer cela en raisonnant sur la
frontière des possibilités de production (FPP) et de consommation (FPC) de
chaque pays.
L’écriture de la
FPP de chaque pays se présente comme suit :
Pays 1 :aX1 .X1
+ aY1 . Y1 ≤ L1 ⇒ au plein
emploi du facteur travail :
Y1 = Y1 = L1/ aY1 -
aX1/aY1 . X1 (FPP du pays X)
Pays 2 : aX2 .X2
+ aY2 . Y2 ≤ L2 au plein emploi du facteur travail
Y2 = Y2= L2/ ay2
- ( ax2/ ay2).X2 (FPP du pays Y)
En autarcie, les
quantités produites sont égales aux quantités consommées. La FPP et la FPC se
confondent pour chaque pays. En revanche, en libre échange, la FPC se détache
de la FPP pour chaque pays étant données les conditions 1 et 2. on a alors :
Les parties
hachurées dans les graphiques respectifs des pays 1 et 2 représentent les gains
en terme de consommation qui profitent aux consommateurs de chaque pays. Ainsi,
les consommateurs du pays 1 pourront, du fait de la spécialisation et grâce à
l’échange, consommer plus de bien Y qu’il n’est possible en autarcie. Il en est
de même pour les consommateurs du pays 2 qui pourront, pour les mêmes raisons,
consommer plus de bien X qu’il n’est possible en situation d’autarcie.
La spécialisation internationale en fonction
des facteurs de production
La théorie de la
spécialisation internationale basée sur les facteurs de production est l’oeuvre
de E.F Heckscher (1919) et B.Ohlin (1933). Le raffinement de cette théorie est
redevable aux travaux de P.A Samuelson (1947). C’est à travers les
contributions de ces trois auteurs qu’est née la théorie HOS.
En quoi consiste
cette théorie ou du moins que stipule-t-elle ? Selon la théorie HOS, l’origine
du commerce international est pour l’essentiel liée à des différences de
productivité (intensités factorielles) et à des différences exprimées en termes
de dotations factorielles des pays participant à l’échange. D’après le théorème
HOS : « chaque pays exporte le bien qui utilise intensivement le facteur de
production dont le pays est relativement abondant ».
Une lecture
statistique des échanges internationaux de biens entre les pays reflète
l’énoncé du théorème HOS. En effet, on peut constater que les pays qui sont
plus dotés en main d’oeuvre et moins dotés en capital ont tendance à exporter
des marchandises intensives en travail. A titre d’exemple, on peut considérer
les exportations tunisiennes de textile. En revanche, un pays comme la France,
relativement plus abondant en capital, exporte davantage les biens intensifs en
capital comme les voitures.
A. Intensité
factorielle et abondance factorielle
Contrairement à
l’analyse de Ricardo qui se base uniquement sur la prise en compte du facteur
travail, la théorie HOS tient compte de deux facteurs de production : le
capital (noté K) et le travail (noté L).
A1/ Intensité
factorielle des biens.
Supposons 2
biens X et Y dont la production nécessite deux facteurs de production K et L.
Chaque bien est produit dans deux pays différents 1 et 2. La technologie de
production du
bien X est la
même dans les deux pays. La technologie de production du bien Y est également
la même dans les deux pays.
Notations :
On appelle
coefficients techniques de production les besoins en facteurs de production
nécessaires à la production d’une unité d’un bien.
Comme la
production d’une unité de bien X nécessite une certaine quantité de capital et
de travail, on définit alors les coefficients techniques de la manière suivante
:
axL = baesoins unitaires en main d’oeuvre pour
le bien X.
axK = besoins unitaires en capital pour le
bien X
ayL = besoins unitaires en main d’oeuvre pour
le bien Y
ayK = besoins
unitaires en capital pour le bien Y
Le rapport axL/axK
et ayL/ ayK représentent les intensités factorielles des
biens X et Y. Leur comparaison revient à une comparaison de coûts comparatifs
ce qui ramène à la notion de productivité.
Ainsi, si on
suppose axL /axK > ayL/ ayK, le bien X est considéré comme
intensif en travail et le bien Y intensif en capital.
A2/ Abondance
factorielle des pays
La mesure de
l’abondance factorielle s’exprime généralement en termes physiques. Supposons
les pays 1 et 2 dont les dotations factorielles en facteurs travail et capital
sont notées respectivement L1, K1, L2 et K2.
Il s’agit à
présent de comparer les rapports K/ L dans chaque pays ce qui revient à
comparer l’abondance factorielle relative des pays :
Supposons que
L1/ K1 < L2/ K2 ; cette hypothèse
revient à considérer que le pays 2 est relativement abondant en capital tandis
que le pays 1 est relativement abondant en travail.
B.
Spécialisation internationale
Compte tenu des
données sur l’intensité factorielle des biens et l’abondance factorielle des
pays et sachant l’énoncé du théorème HOS, le pays 1, relativement plus abondant
en facteur travail doit se spécialiser dans le bien X intensif en facteur
travail. Le pays 2 étant relativement plus abondant en capital devrait se
spécialiser dans le bien 2 intensif en capital. Dans ces conditions, le pays 1
exporte le bien X et le pays 2 exporte le bien Y.
C. Conséquences
de la spécialisation internationale basée sur les facteurs de production.
Deux
conséquences majeures sont à relever s’agissant de la spécialisation basée sur
les facteurs de production :
• Une
conséquence qui s’exprime en terme de croissance économique. Plus un pays
augmente la quantité d’un des facteurs dont il dispose, plus la production du
bien utilisant intensivement ce facteur augmente (théorème de Rybczinsky).
• Une
conséquence en terme de rémunération des facteurs : si le prix d’un bien
augmente suite au passage de l’autarcie au libre échange, alors la rémunération
du facteur utilisé intensivement dans la production de ce bien augmente et
celle de l’autre facteur baisse (Théorème de Stolper – Samuelson).
Cette deuxième
conséquence est importante car le libre échange, en dépit du fait qu’il puisse
profiter aux consommateurs, conduit dans certains pays à une réallocation de
facteurs de production qui peut provoquer des ajustements néfastes au marché du
travail.