Aubépine
Son nom
Le nom générique viendrait du grec kratos, qui signifie « force », par allusion à la dureté du bois, lequel a beaucoup servi à fabriquer leviers, manches et poignées d'outils et autres articles du genre.
« Aubépine » vient du vieux français « aubespin », lequel était tiré du latin populaire alb-ispina, lui-même emprunté au latin classique spina alba, c'est-à-dire « épine blanche », par opposition à « épine noire », spina nigra, c'est-à-dire le prunellier, plante épineuse de la même famille, également employée en médecine.
On croit que « cenelle » vient du latin populaire acinella, de acinus « grain de raisin », « pépin ». Au Québec, « cenelle » est devenu « senelle », et l'aubépine (l'arbre) est devenue un « senellier ». On a également appelé le fruit « poire à cochons », probablement parce qu'il a servi de nourriture à ces suidés de l'ordre des artiodactyles.
- Bon, d'accord. « Suidés », du latin suis « porc », et « artiodactyles », du grec artios « pair » et daktulos « doigt », c'est-à-dire dont le nombre de doigts est pair.
Son rôle dans l'équilibre écologique
« Il semble que le grand développement du genre en Amérique soit le résultat immédiat de la rupture d'équilibre écologique amenée par le défrichement », écrit Jules Brunel dans la Flore laurentienne. En effet, l'aubépine était quasiment absente de l'Amérique avant l'arrivée des Blancs, car, pour s'épanouir, elle a besoin de beaucoup de lumière, ce que nos grandes forêts denses et hautes ne pouvaient lui offrir. Mais il semblerait que le genre connaisse une véritable explosion génétique sous nos climats, avec pour résultat que les 4/5 des espèces, se trouvent aujourd'hui de ce côté-ci de l'Atlantique.
Et ça se mange?
Les fleurs se mangent, mais elles dégagent très rapidement une odeur ammoniaquée qui rappelle par trop celle de l'urine. Il faut donc les consommer tout juste écloses. Les jeunes feuilles se mangent en salade. Les fruits sont comestibles, mais souvent insipides, leur pulpe étant généralement sèche et farineuse.
D'ailleurs, il semblerait que les Amérindiens n'en aient jamais fait grand cas, contrairement à d'autres plantes européennes que les premiers colons leur ont fait connaître. Ils les mangeaient principalement lorsqu'ils n'avaient pas d'autres baies à se mettre sous la dent. Pour contrebalancer la sécheresse de la pulpe, ils la mélangeaient à des aliments gras - oeufs ou laitance de saumon - ou à des corps gras - huile de saumon, graisse de poisson-chandelle, graisse de marmotte ou d'ours. Ou encore, ils pilaient les fruits et en confectionnaient de fines tablettes qu'ils faisaient sécher pour les manger plus tard, trempées dans de la soupe ou bouillies avec de la graisse de cerf et de la moelle. D'autres les ajoutaient à de la chair et des arêtes de saumon pilées et séchées. Les Iroquois les mangeaient soit crues, soit cuites dans une sauce ou dans les cendres, et les faisaient sécher pour l'hiver.
Selon le frère Marie-Victorin, les fruits de l'aubépine du lac Champlain (C. champlainensis, une espèce fréquente dans la région de Montréal) seraient les plus recherchés de tous, à cause de leur pulpe épaisse et succulente. Ceux de l'aubépine subsoyeuse (C. submollis) suivraient de très près.
La récolte des baies se fait de septembre à fin novembre, selon les régions et les variétés. Toutefois, il faut savoir que les fruits gagnent en saveur lorsqu'ils ont été exposés à quelques gelées. Malheureusement, ils sont souvent attaqués par les larves.
Au Texas et en Louisiane, on cultive une espèce locale, le C. opaca, pour ses baies juteuses que l'on récolte en avril et qu'on transforme en gelée ou en vin. La gelée est notamment employée pour glacer le canard ou l'oie, comme dans la recette que nous vous proposons dans Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Étonnamment, les soeurs de la Providence ne font aucune mention de l'aubépine, qui a pourtant été très utilisée en médecine. Cela s'explique probablement parce que ses propriétés cardiotoniques - de loin les plus importantes - n'ont été véritablement reconnues qu'à la fin du XIXe siècle. En effet, les premières références à ses propriétés n'apparaissent dans les manuels de médecine qu'en 1898 (rappelons que l'ouvrage de Matière médicale des soeurs de la Providence dont je dispose a été publié en 1890). Popularisée par la médecine éclectique au début du XXe siècle, l'aubépine a fait l'objet d'une intense utilisation médicinale pendant les deux premières décennies de ce siècle avant d'être graduellement remplacée par des médicaments de synthèse, bêta-bloqueurs et antagonistes du calcium, notamment.
Ce sont les fleurs et les feuilles, et, à un moindre degré les baies, voire parfois l'écorce, qui ont été employées en médecine. Tonicardiaque, hypotenseur, antispasmodique, c'est aussi un hypnotique léger et un fébrifuge, ce qui en fait un bon remède dans les palpitations, les douleurs cardiaques, l'angine de poitrine, les spasmes vasculaires, la tachycardie, les arythmies, l'athérosclérose, l'hypertension, ainsi que les bouffées congestives, palpitations, irritabilité et insomnies de la ménopause.
Si elle a permis de soigner tous ces problèmes, ses indications modernes portent surtout sur les maladies coronariennes. De plus, elle serait particulièrement utile pour le suivi d'un infarctus cardiaque dans la mesure où elle pourrait permettre de prévenir des attaques ultérieures. Elle doit toutefois être prise à très long terme, ses effets ne s'accumulant que très lentement dans l'organisme. Par contre, elle a l'avantage de ne présenter aucun effet indésirable.
À cause de leur astringence, les fruits sont utiles contre la diarrhée et la dysenterie. On pense qu'ils pourraient également contribuer à dissoudre les calculs urinaires et biliaires. Leur astringence en ferait également un bon remède pour le traitement topique des rougeurs et de la couperose.
Les fleurs se récoltent au printemps, avec les feuilles, quoique certains affirment que les feuilles sont plus riches en principes actifs lorsqu'on les récolte en août. On fait sécher fleurs et feuilles sur une toile moustiquaire, à l'ombre. On en prépare une infusion à raison d'une cuillerée à café par tasse d'eau bouillante. On prend deux ou trois tasses par jour.
Les baies se récoltent à l'automne et peuvent être séchées comme les fleurs. La tisane se prépare à raison de 15 g par litre d'eau. On en prend deux ou trois tasses par jour. Pour l'usage externe, on fait bouillir 20 g de fleurs ou de baies dans un demi-litre d'eau. On peut se servir directement de la décoction pour laver le visage ou l'incorporer à une crème cosmétique.
Ce sont les espèces C. oxyacantha (nom moderne : C. laevigata), C. monogyna et, à un moindre degré, C. pentagyna, toutes d'origine européenne, qui ont fait l'objet d'études scientifiques. On croit toutefois que toutes les espèces pourraient exercer une activité thérapeutique dans la mesure où toutes renferment probablement les flavonoïdes actifs qu'on a isolés dans les espèces étudiées, quoique possiblement dans des proportions qui pourraient varier grandement selon les cas.
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