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dimanche 20 septembre 2020

Baie de l'églantier

 Baie de l'églantier

Son nom

Rosa vient possiblement d'un mot sanscrit qui signifierait « flexible », sans qu'on sache de la flexibilité de quoi au juste il s'agit. Ce qu'on sait, c'est que, à quelques variantes orthographiques près, le mot est le même dans toutes les langues européennes, ce qui serait une indication de sa très grande ancienneté.

« Cynorrhodon », ce mot détestable qu'on n'arrive jamais ni à écrire ni à prononcer correctement, vient du grec kunorodon, qui signifie littéralement « rose de chien », par allusion à ses propriétés alléguées de protéger contre les morsures de chiens enragés. Le nom de la variété Rosa canina (rose de chien) renvoie lui aussi à cet usage médicinal tellement ancien qu'on n'en retrouve aucune trace dans les matières médicales des derniers siècles.

À noter que « cynorrhodon » désigne tout particulièrement le réceptacle rouge renfermant les fruits (qu'on appelle à tort « graines ») du rosier et de l'églantier, soit la partie utilisée en cuisine ou en médecine.

On a également appelé la plante « gratte-cul » à cause des poils attachés aux graines - aux fruits, pardon - et que les enfants utilisaient autrefois comme poil à gratter. Cette tradition s'est également retrouvée chez les Amérindiens qui affirmaient que ceux qui consommaient les poils se trouvaient affligés de pénibles démangeaisons au postérieur.

« Églantier » vient du latin populaire aquilentum, « qui a des piquants », de acus, « pointe, aiguille ».

Contrairement à ce que l'on entend dire parfois, « églantine » ne désigne pas le fruit mais la fleur.

Au Québec, on a parfois désigné l'églantier sous le nom de « cébreur », par déformation du nom populaire anglais sweetbrier. Toutefois, le brier de sweetbrier serait, lui, une déformation du français « bruyère », arbuste que ce nom désigne, lequel nom, par parenté de forme, les anglophones ont aussi attribué au rosier sauvage. Ah! La fluidité des langues!

Et ça se mange?

Les baies de diverses variétés de rosier sauvage étaient consommées par de nombreuses peuplades amérindiennes sur tout le territoire où il pousse. Elles étaient considérées comme un excellent aliment de survie dans la mesure où elles restent accrochées au plant tout l'hiver. On en faisait une décoction et chez certaines peuplades, une bière. En été, on consommait également les pétales des fleurs. Les Pied-Noirs broyaient les baies et les mélangeaient avec du pemmican. En passant, saviez-vous que depuis 1819 - date de sa découverte par un marin et explorateur anglais - le pemmican est la nourriture de base de toutes les expéditions polaires à cause de sa très haute valeur nutritive, de son volume réduit et de son exceptionnelle conservation? Composé originellement de viande séchée, pulvérisée et mélangée à de la graisse, cet aliment traditionnel des Amérindiens de la Baie d'Hudson a connu quelques variantes modernes mais le principe de base reste exactement le même : pour l'essentiel, de la viande séchée et un corps gras, auxquels on ajoutera éventuellement de la poudre de légumes, de la poudre de céréales, quelques fruits séchés et du sucre.

Les Esquimaux de l'Alaska confectionnaient une sorte de pouding avec de la pulpe écrasée de cynorrhodons, de l'huile de phoque, de l'eau et du sucre. Ils ajoutaient également les baies à un plat composé de queues de saumon pré-mastiquées (pré-mastiquées? Seigneur! J'entends d'ici les protestations des inspecteurs des aliments!) et séchées. Aujourd'hui, elles sont plutôt préparées en sirop, confiture, gelée, marmelade et ketchup, seules ou mélangées à divers autres fruits. Les Tanainas les mélangent à de la graisse ou des oeufs de poisson, ou encore les battent avec un corps gras pour en faire une sorte de crème glacée. Dans certaines tribus, les feuilles étaient placées dans la fosse à cuisson afin d'aromatiser les plats que l'on cuisait dans la braise. On a également fait une décoction des feuilles et des jeunes rameaux.

Homo sapiens sapiens et sa conjointe ne sont pas les seuls à rechercher cette baie légèrement acidulée. Il semblerait, en effet, que les Ursus - sans distinction d'espèce ou de sexe - y voient un aliment de pré-hibernation de choix.

Les baies de toutes les variétés de rose - sauvages ou cultivées - se consomment mais, parmi les variétés sauvages, celle du Rosa rugosa est la plus grosse et, par conséquent, la plus facile à apprêter. Toutefois, lors de promenades, on est beaucoup plus susceptible de tomber sur Rosa blanda, que, malgré son surnom de « rose de cochon », il ne faudrait surtout pas sous-estimer. On devrait les cueillir de préférence après un premier gel, ce qui a pour effet de les attendrir. Il faut impérativement éviter de récolter les baies sur des plants que l'on soupçonne d'être traités aux produits chimiques.

Quelle que soit la recette employée, tenez compte des points suivants :

juste avant la cuisson, préparer les baies en coupant les deux extrémités avec des ciseaux;

comme les baies sont acides, il vaut mieux utiliser des ustensiles et casseroles en bois, acier inoxydable ou pyrex pour éviter qu'elles ne noircissent au contact d'un métal oxydable;

cuire rapidement en couvrant afin de limiter la perte de vitamine C;

filtrer à travers un fin tamis pour éliminer les graines et leurs poils, qui sont irritants.

On peut en faire de la bière, du vin, de la gelée ou des confitures (voir notre recette dans Documents associés). Les Suédois en font une soupe, qu'ils mangent chaude ou froide et qu'ils préparent en broyant les baies et en les faisant bouillir une dizaine de minutes. Passer, remettre sur le feu, amener à ébullition et épaissir avec 4 cuillères à soupe de fécule de pomme de terre ou de farine diluée dans 2 tasses d'eau froide.

Et ça soigne quoi?

Très riche en vitamine C - toutes proportions gardées, la baie serait 20 fois plus riche en cette vitamine que l'orange - on l'a employée pour combattre les infections, la grippe tout particulièrement. On raconte que durant la deuxième grande guerre, les Anglais et les Scandinaves étaient entièrement privés d'agrumes et qu'ils comptaient exclusivement sur la confiture de baies d'églantier comme source de vitamine C.

Probablement pour les mêmes raisons, le cynorrhodon a servi à soigner la lassitude et l'asthénie. On le prenait à raison de 2 cuillères à soupe de pulpe séchée et réduite en morceaux, que l'on faisait infuser dans un litre d'eau froide (ou 2 à 5 g par tasse d'eau), amenait à ébullition, filtrait et buvait. On l'a également employé comme astringent pour combattre la diarrhée, la dysenterie, la leucorrhée et les hémorragies.

En Chine, où les emplois médicinaux de la rose sont attestés depuis près de 30 siècles, les baies d'une variété locale sont employées contre les dysfonctions de l'appareil urinaire et, à cause de leur astringence, contre la diarrhée chronique.

Préparées en sirop, on les a beaucoup employées pour donner une saveur agréable à ces potions médicinales que, de tout temps, les enfants se sont attachés à recracher systématiquement, au mépris de tout bon sens. Les pilules de quinine, notamment, qui étaient extrêmement amères et qu'on enrobait d'une « confection de roses canines » préparée à raison d'une partie de pulpe pour deux parties de sucre que l'on triturait ensemble jusqu'à obtention d'une pâte uniforme.

Les « graines » et leurs poils sont réputés être diurétiques. Il faut s'assurer de bien passer la tisane avant de la prendre.

Une des meilleures manières de conserver aux baies toute leur richesse en vitamine C, c'est de préparer une purée crue. On prélève la chair en éliminant les graines et leurs poils et on la passe tout simplement au mélangeur. On peut ajouter cette purée aux céréales du matin ou à de la compote. Mais il faut la consommer dans les plus brefs délais car elle ne se conserve pas.

Les fleurs ont surtout servi en cosmétique. Grâce à leurs propriétés astringentes, elles sont censées resserrer les pores de la peau et en raffermir le grain. On les a également employées comme laxatif doux et comme cicatrisant dans les aphtes, les plaies fongueuses et l'inflammation des paupières.

Le « bédégar », une galle provoquée sur les feuilles de l'églantier par un insecte, était jadis employé comme vermifuge, diurétique et lithotriptique mais, plus tard, on s'en est servi exclusivement comme astringent.


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