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jeudi 1 octobre 2020

la moutarde

 la moutarde

Son nom

En latin, elle s'est d'abord appelée Sinapis (S. alba, S.nigra, S.arvensis, etc.), qui vient du grec sinapi, nom que l'on donnait dans cette langue à la moutarde, et qui a donné en français « sinapisme », c'est-à-dire la traditionnelle mouche de moutarde. Puis, on a découvert qu'elle appartenait au même genre botanique que le chou, si bien qu'on l'a classée dans les Brassica, mot d'origine celtique qui désigne le chou potager.

En français, on l'a d'abord appelée « sénevé » et, par déformation, « sanve ». Le mot « moutarde », qui est dérivé de « moût », n'est apparu que plus tard, lorsqu'un petit malin a eu l'idée de broyer des graines de sénevé avec du moût de vin, ce qui a donné naissance au célèbre condiment jaune. À noter que cette pratique de mélanger des graines de sénevé à du moût existait depuis longtemps, puisque Pline l'Ancien - qui a vécu au premier siècle de notre ère - en parlait déjà. Sauf qu'on s'en servait alors comme médicament et qu'il ne serait venu l'idée à personne d'en faire un condiment.

En passant, il n'existe pas, dans les dictionnaires français, de référence à l'expression « mouche de moutarde ». Il faut donc en conclure que c'est un québécisme créé par analogie avec la cantharide (ou mouche d'Espagne), dont le corps desséché était employé jadis de la même manière que la moutarde.

On l'appelle parfois « moutardin » ou « moutardon ».

Son rôle dans l'équilibre écologique

Il y a, au Québec, quatre espèces de moutarde qui poussent à l'état sauvage. Mais aucune n'est originaire d'Amérique. Elles viennent toutes d'Europe ou d'Asie. La B. kaber (ou B. arvensis), dite « moutarde des champs », est la plus répandue et, ici comme en Europe, elle est considérée par les cultivateurs comme extrêmement nuisible. Il est vrai que ses graines retiennent leur vitalité au moins quinze ans, ce qui fait qu'elle peut réapparaître dans un champ tandis qu'on croyait l'avoir éradiquée depuis longtemps.

Sauf qu'elle n'est pas que nuisible. C'est, en effet, un excellent engrais vert, du fait que ses racines ont le pouvoir de défoncer les sols trop lourds et de les ameublir en profondeur. C'est tout ça de travail en moins pour le tracteur et son cultivateur! C'est d'ailleurs pourquoi on voit de plus en plus d'immenses étendues de campagne se colorer, à l'automne, d'un beau jaune serin. En la cultivant aussi tardivement, on évite qu'elle n'arrive à maturité et ne produise ses graines. On l'enfouit à la fin de l'automne ou, si l'hiver est hâtif, on la laisse mourir de froid.

Et ça se mange?

Les graines de diverses espèces produisent une huile comestible, semblable à celle du colza, qui appartient d'ailleurs à la même famille. On l'emploie surtout dans la cuisine indienne.

On ignore trop souvent que les feuilles de moutarde ont largement été consommées dans le passé, et le sont d'ailleurs encore dans certaines parties du monde, en Asie notamment où plusieurs variétés ont été développées. En Europe, la consommation des feuilles de sanve cuites remonte au moins à l'Antiquité.

Dans le sud des États-Unis, où c'est une véritable tradition de récolter les feuilles de moutarde au printemps, on les fait cuire de longues heures avec d'autres verdures (des feuilles de navet, notamment), du bacon, du vinaigre et du citron.

Par contre, chez les Amérindiens du Canada, l'habitude de consommer les jeunes feuilles et les jeunes pousses de moutarde serait relativement récente et n'a jamais été très développée, cette plante ne faisant pas partie des ressources indigènes traditionnelles du pays.

En outre, racines, feuilles, fleurs, gousses vertes de toutes les variétés ont été lactofermentées. Tout comme le chou, la plante est très riche en ferments lactiques, ce qui permet de la transformer facilement en choucroute. En Chine, on confit au sel les racines de la moutarde joncée ou indienne (B. juncea).

La moutarde préparée est généralement fabriquée avec un mélange de graines de moutarde blanche (B. alba) et de graines de moutarde noire (B. nigra), que l'on délaie avec du vinaigre, du moût ou du verjus. La moutarde en feuilles qu'on trouve dans les épiceries asiatiques appartient à l'espèce B. juncea, à la saveur relativement moins piquante que ses cousines. Il en existe des variétés rouges et des variétés vertes.

Toutefois, sachez que même si les sélectionneurs tendent à créer des variétés à usages spécifiques, les feuilles de toutes les moutardes se mangent, et les graines de toutes les moutardes permettent de préparer le célèbre condiment, ainsi que de soigner. Par conséquent, si d'aventure, vous tombez sur une talle de moutarde sauvage (B. kaber), n'hésitez pas à la ramasser quelle que soit l'étape de son cycle.

Ainsi, récoltées jeunes, les feuilles feront un excellent légume, que vous pourrez manger cru - si elles sont très très jeunes - ou cuit, à la vapeur ou sauté. Une fois bien développées, les feuilles deviennent plus coriaces et plus amères. Qu'à cela ne tienne! Portez alors votre attention sur les fleurs, que vous pourrez ajouter en petite quantité aux salades, ou faire légèrement cuire à la manière des brocolis. Puis, dès que les jeunes gousses (qu'on appelle siliques) sont formées, cueillez-les et faites-les sauter avec d'autres légumes, des pois mange-tout par exemple. Finalement, lorsque les graines sont formées et que les siliques viennent tout juste de virer du vert au jaune, il est temps de les récolter et de les faire sécher lentement sur une toile moustiquaire. Vous pourrez toujours utiliser les graines pour faire de la moutarde préparée, mais pourquoi ne pas plutôt les faire germer en bac à l'intérieur, histoire de vous fournir en plein hiver une petite salade délicieuse, saine comme tout, avec juste ce qu'il faut de piquant pour vous réveiller les papilles gustatives?

Jeunes pousses de moutarde en bac

Préparer un terreau sans terre* en mélangeant moitié vermiculite et moitié mousse de tourbe (le terreau de feuilles est infiniment préférable à la mousse de tourbe puisque contrairement à cette dernière, il s'agit d'une ressource renouvelable, mais on n'en trouve malheureusement pas partout). En remplir des bacs de culture en bois, styro** ou fibres**.

Pratiquer de légers sillons dans le terreau tous les 2 ou 3 centimètres. Y semer les graines de moutarde assez rapprochées et recouvrir d'un peu de vermiculite. Bien arroser.

Placer les bacs sous un éclairage au néon, de préférence le type conçu pour les plantes, car son spectre lumineux est complet. Éclairer 12 à 14 heures chaque jour. À défaut de néon, on peut mettre les bacs devant une fenêtre exposée au sud ou à l'est, en veillant toutefois à les tourner chaque jour afin que la lumière soit répartie également entre les plants et qu'ils poussent bien droits.

Au bout de quelques jours, de jeunes pousses devraient sortir de terre. Les arroser deux ou trois fois par jour avec un arrosoir muni d'une pomme à très petits trous afin d'éviter de les déranger. Attention toutefois à ne pas les inonder.

Les deux premières feuilles qui apparaissent sur les tiges sont les cotylédons (ou « fausses » feuilles, parce que leur forme diffère totalement de celle des autres). C'est normalement à ce stade qu'on récolte les pousses germées de luzerne ou de haricot mungo (mung bean). Mais, dans le cas présent, il faudra patienter encore quelques jours, car c'est à un stade plus avancé - c'est-à-dire lorsque les deux premières vraies feuilles se sont formées et sont bien développées - que l'on récolte ces mini saladettes. Quand elles sont prêtes, les couper au niveau du sol avec une paire de ciseaux de cuisine, les passer à l'eau, les égoutter et les ajouter à de la laitue, des épinards ou d'autres crudités.

En semant des graines toutes les semaines, on s'assurera d'un apport régulier de jeunes verdures. On peut réutiliser le terreau des bacs si on le stérilise au four à environ 50 °C pendant une heure ou deux.

Toutes sortes d'autres plantes peuvent être semées ainsi et procurer, au coeur de l'hiver, une panoplie de nutriments de qualité. Tous les types de chou (blanc, rouge, frisé, fourrager, rave, chinois, tatsoi, mizuna, hon tsa tai, etc.), de radis (rouge, blanc, noir), de navet, de même que le fenugrec, le tournesol, le blé, le sarrasin, le canola, le shungiku, le maïs et le cresson alénois se prêtent à ce mode de culture. À côté de cela, on peut faire pousser les classiques - luzerne, trèfle, oignon - selon la méthode recommandée pour les germinations (en pot, sans terreau et à l'abri de la lumière). À noter qu'à part celles de la moutarde, les graines des plantes sauvages présentent souvent des difficultés de germination, nécessitant parfois des traitements au froid et au chaud, ce qui les rend moins intéressantes pour ce type de culture

* Nul besoin d'engrais ou de terre, les graines possédant des réserves de nutriments suffisantes pour nourrir les jeunes plantes dans les premiers temps de leur existence.

** On trouve ce type de boîte dans les pépinières ou les centres de jardinage. Elles ne sont généralement pas destinées à la vente, mais la plupart du temps, les commerçants acceptent de se départir de quelques exemplaires contre un prix modique.

Et ça soigne quoi?

Comme la majorité des plantes de la famille des crucifères, la moutarde (ses feuilles) est antiscorbutique, à cause notamment de sa très grande richesse en vitamine C. C'est en effet grâce aux barils de choucroute que les capitaines au long cours avaient eu l'intelligence de charger à bord avant le départ que les équipages survivaient au scorbut. Et n'allez pas croire que cette maladie n'existe plus à notre époque et dans nos pays riches! Selon de nombreux experts, beaucoup d'entre nous se trouvent sans le savoir dans un état préscorbutique, lié à une carence en vitamine C. D'ailleurs, en Chine, on considère les feuilles de moutarde comme un bon tonique printanier et un bon dépuratif et, durant cette saison, elles figurent régulièrement au menu. Mangez donc vos feuilles de moutarde crues ou lactofermentées aussi souvent que possible.

En Chine, on emploie les feuilles en cataplasme pour soigner les abcès de l'anus.

Le bain à la moutarde (1/2 tasse de moutarde mélangée à de l'eau froide, puis le tout est ajouté à l'eau du bain) est excellent contre les refroidissements et les frissons. Il stimule l'ensemble de l'organisme.

La mouche de moutarde fait tellement partie de notre folklore qu'il paraît superflu d'en parler. Et pourtant, nombreux sont ceux qui n'en ont jamais expérimenté les bienfaits. On l'a employée bien sûr pour soigner la bronchite, le rhume et diverses autres affections respiratoires, mais également les maladies rhumatismales, les névralgies ainsi que la congestion céphalique ou utérine (pour les crampes menstruelles, notamment), ou pour soulager les raideurs dans la zone des épaules et de la nuque et y rétablir la circulation. Révulsive, elle produit un afflux de sang dans la région du corps où on l'applique, ce qui permet ainsi de décongestionner l'organe visé par le traitement. Selon qu'on voulait préparer un cataplasme ou un sinapisme, on mélangeait la farine obtenue par broyage des graines à de la farine de lin et de l'eau tiède, ou on l'employait seule, délayée avec de l'eau tiède. On enduisait ensuite un tissu de cette préparation, on le repliait afin d'éviter le contact direct de la farine avec la peau et on appliquait le tout sur la poitrine ou le dos, en ne dépassant pas, pour le sinapisme, qui est beaucoup plus révulsif que le cataplasme, les 10 ou 15 minutes. Plus que cela et les sujets à peau fragile se voyaient couverts de cloques se transformant en plaies parfois graves, voire en gangrène. On ne rigole pas avec la moutarde!

On a longtemps prescrit les graines par voie interne pour soigner divers problèmes (dyspepsie, atonie de l'estomac ou des intestins, chlorose, gaz, constipation). C'était, soi-disant, un traitement divin contre la paralysie. Toutefois, comme l'administration par voie interne est assez délicate et peut provoquer une intoxication, cette pratique a été abandonnée.

On extrayait jadis par distillation, et après macération dans l'eau, une huile des graines de la moutarde noire. Plus pratique que la poudre, elle était employée de la même manière et pour les mêmes indications, après avoir été diluée dans 60 parties d'alcool.


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