Saule
Son nom
Le nom générique, d'origine celtique, signifie « près de l'eau », par allusion à l'habitat de cet arbre ou arbuste. À cause de la forme de ses feuilles - allongées et au moins trois fois plus longues que larges, le saule (Salix alba) capte la lumière d'une manière tout à fait particulière, ce qui permet de le repérer de loin. Vu d'en haut, d'une montgolfière, par exemple, c'est un des meilleurs indicateurs de la présence d'un cours d'eau, fleuve, rivière ou ru, étant donné que ce qu'il aime plus que tout au monde, c'est de plonger ses racines dans la bonne terre humide et limoneuse des rivages.
Son rôle dans l'équilibre écologique
Dans les régions tempérées, les saules jouent un rôle important pour la préservation des rives des cours d'eau, leurs racines retenant le sol et freinant l'érosion. Dans les régions beaucoup plus froides, la toundra par exemple, où le couvert végétal ne dépasse guère les 10-15 cm de hauteur, les saules se font tout petits et rampants, profitant des quelques degrés de chaleur supplémentaires que le sol leur fournit par rapport à l'air ambiant. Mais encore là, ils forment des sortes de coussinets qui protègent le sol et l'empêchent de partir en poussière sous la forte poussée des vents. Certaines espèces survivent sur les rives longtemps inondées au printemps. Capables de résister aux débâcles, elles colonisent les bancs de sable récemment formés et en fixent le sol de façon à permettre l'établissement futur d'autres espèces d'arbres.
Du grand saule noir qui, plus au sud, peut atteindre 40 mètres et qui occupe massivement les rives du Saint-Laurent et de ses affluents, aux petites espèces arbustives dont certaines sont de véritables reliques ayant échappé à la dernière glaciation et ne se retrouvant que dans quelques rares lieux isolés, le saule affiche une incroyable diversité de formes et de tailles. Rien qu'au Québec, on aurait dénombré au moins quarante espèces, quoique certains estiment qu'il y en a beaucoup plus si on tient compte de l'hybridation naturelle qui se produit entre les espèces.
Symbole d'immortalité en Extrême-Orient, le saule est l'arbre de vie au Tibet, ce qui n'étonnera personne vu son extrême vitalité. En effet, il suffit de planter un rameau de saule dans la terre pour qu'il fasse bientôt des racines et devienne rapidement un arbre imposant.
Et ça se mange?
L'écorce interne, ou cambium, du saule blanc est comestible. Dans les pays nordiques, elle a servi à faire du pain. L'écorce de toutes les espèces de saule est d'ailleurs comestible, quoique très amère, du genre à vous faire rentrer les joues dans les mâchoires. Il faut donc la faire cuire dans au moins deux eaux avant de l'employer. Elle peut servir de nourriture de survie et on dit que nombre de coureurs des bois coincés en forêt lui doivent la vie. On la mangera alors fraîche, en la mastiquant bien et en recrachant les fibres à mesure. Pour en faire du pain, on la fera cuire d'abord dans deux eaux puis sécher et on la réduira en poudre avant de l'intégrer en petite quantité à la pâte à pain.
Une mise en garde s'impose toutefois : le cambium étant la seule partie du bois qui soit vivante, en prélever une trop grande quantité revient à tuer l'arbre à plus ou moins long terme. Par conséquent, on ne l'utilisera qu'en cas d'absolue nécessité. L'idéal est de le prélever sur des arbres récemment abattus ou tombés.
D'un point de vue culinaire, les jeunes pousses, les bourgeons, les inflorescences et les très jeunes feuilles, sont nettement plus intéressants que l'écorce. De plus, la plupart du temps, on peut en prélever de grandes quantités sans mettre l'arbre en péril. Si on récolte l'écorce en hiver, c'est au printemps qu'on récolte ces parties vertes.
Les Eskimos de l'Alaska et les Inuits du Canada ramassent encore de nos jours les parties comestibles d'une espèce nordique, Salix phylicifolia, et de diverses autres espèces. On mange les bourgeons crus avec de l'huile de phoque. L'huile de phoque sert d'ailleurs à les conserver plusieurs mois, voire une année complète. Cueillies lorsqu'elles ne dépassent pas les quatre centimètres, les jeunes feuilles se mangent soit crues et fraîches, soit séchées et ajoutées à la soupe ou prises en infusion. On les estime d'ailleurs assez pour les mettre en conserve.
Les jeunes pousses de cette espèce et de diverses autres espèces rampantes de la toundra arctique et des montagnes peuvent être pelées puis mangées crues. Enfin, les Slaves de l'Ouest canadien fabriquaient une bière forte avec les branches de diverses espèces de saule.
Et ça soigne quoi?
Avant la mise au point de l'aspirine (acide acétylsalicylique) par Bayers, on employait dans les officines l'écorce de diverses espèces de saule de même que son principe actif, la salicine, qui fut d'abord isolée dans le saule, puis dans quelques espèces de peupliers.
« Arbre contre la douleur », écrit le docteur Jean Valnet dans son livre « Phytothérapie ». Antinévralgique, antispasmodique, sédatif génital, calmant nerveux, fébrifuge, tonique digestif, le saule soulage les névralgies rhumatismales, les céphalées, les douleurs des règles, les états fébriles, l'angoisse, l'anxiété, l'insomnie des neurasthéniques. Il est en outre souverain pour éteindre les ardeurs fougueuses des nymphomanes, priapes, satyriasiques et autres faunes de ce monde, leur permettant de retrouver le sommeil innocent de l'enfance. Étonnamment, il soulage aussi l'hyperacidité gastrique. Étonnamment, en effet, puisque son équivalent de synthèse, l'AAS (aspirine), est au contraire déconseillé en cas d'hyperacidité ou d'ulcère gastrique, car il est réputé pour provoquer des lésions parfois très graves de l'estomac. Enfin, on croyait autrefois qu'une forte décoction de l'écorce intérieure du saule était la cure parfaite pour les maladies vénériennes.
En phytothérapie, les chatons, les feuilles et l'écorce peuvent être employés, mais c'est de loin cette dernière qui est la plus efficace et, avec le temps, son emploi a prédominé. Les deux premiers se préparent en infusion à raison de 10 ml par tasse d'eau bouillante. On en prend trois tasses par jour avant ou entre les repas. L'écorce se prépare sous la forme de décoction à raison de 25-35 g par litre d'eau. On la fait bouillir cinq minutes puis infuser dix minutes. On en prend trois tasses par jour. On l'a aussi prise en poudre, incorporée dans du miel ou du sirop à raison de 5-10 g par dose. On peut également en préparer un vin en faisant macérer 50 g d'écorce dans un litre de vin pendant quelques jours. On prend un verre à bordeaux (75 ml) avant chacun des deux grands repas.
Par voie externe, on emploie les feuilles en compresse pour soigner les contusions et plaies ou en emplâtre contre les entorses et les élongations. On prépare la compresse en faisant bouillir les feuilles dans de l'eau. On récupère le liquide refroidi et on applique. On prépare l'emplâtre en mélangeant les feuilles avec de la farine de blé et un peu d'eau et en appliquant la pâte ainsi obtenue sur les parties affectées.
Les feuilles de saule portent souvent des gales causées par divers insectes. La variété qui se développe sur le S.rigida et qui a la forme d'un bouton de rose serait médicinale (et probablement les autres également). On employait autrefois l'infusion pour soigner la rétention d'urine.
Saviez-vous que?
Les substances actives de nature hormonale que renferme le saule favorisent son enracinement. Il est possible de tirer parti de cette propriété pour bouturer des plantes plus rébarbatives. Il suffit pour cela d'écraser avec un marteau quelques rameaux de saule (toutes espèces confondues) et de les faire tremper pendant 24 heures dans de l'eau. On récupérera cette eau et on y mettra à bouturer les tiges de la plante récalcitrante. La reprise sera bien meilleure.
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