Thé du Labrador
Son nom
Le nom générique est un ancien mot grec qui désignait à l'origine une plante d'un tout autre genre botanique, mais dont la résine aromatique rappelle celle du lédon. En France, la plante est tellement peu connue que son nom n'apparaît pas dans les dictionnaires. Toutefois, on peut trouver dans certains ouvrages un mot très proche, « lède », qui vient du latin, qui l'a lui-même emprunté au grec, et qui signifie tout simplement « plante ». Comme si le lédon était ce qui se rapproche le plus de « la plante » par excellence, en quelque sorte la quintessence du règne végétal.
« Thé du Labrador » et « lédon du Groenland » viennent bien sûr du fait que c'est d'abord dans ces régions que les premiers explorateurs l'ont trouvée. On l'a aussi appelée « thé des Esquimaux » et « thé velouté ».
Son rôle dans l'équilibre écologique
Comme toutes les plantes de la famille des éricacées - le bleuet, le rhododendron, l'azalée, la gaylussaccia, la busserole, etc. - le lédon pousse dans les milieux acides et tourbeux, milieux ô combien ingrats! que les plantes plus capricieuses considèrent avec le plus grand mépris. Tout dans sa structure rappelle qu'il est fait pour affronter de dures conditions : rameaux et feuilles recouverts d'un dense duvet cotonneux comme s'il fallait toujours craindre un possible coup de froid; feuilles étroites et coriaces, aux bords qui s'enroulent (« à bords fortement révolutés », écrit le frère Marie-Victorin) comme si, à tout moment, elles étaient sur le point de se refermer sur elles-mêmes au cas où... Et par mesure supplémentaire de sécurité, il est tellement imprégné de principes résineux qu'il est pratiquement imputrescible. Avec toute cette adversité, on pourrait le croire radin sur les bords, mais il n'en est rien. Il offre généreusement ses baies - des capsules en fait - en pâture à la sauvagine qui fréquente ces lieux inhospitaliers.
Et ça se mange?
Ca se boit surtout. L'infusion des feuilles a souvent été employée en guise de thé par ceux qui vivent dans la forêt. Durant la grande dépression des années trente, alors que le thé de Chine se faisait rarissime, le thé du Labrador avait de nombreux aficionados. Idem pendant la guerre de l'indépendance américaine (autour des années 1775-1780) où sa consommation se multiplia.
Pratiquement toutes les nations amérindiennes du Canada, de l'Alaska et des États-Unis (jusqu'au sud de son aire) l'ont consommé sous forme de thé, mais on croit que cet usage serait relativement récent et aurait été transmis par les colons blancs. En effet, la notion de thé que l'on avale comme simple boisson et non comme breuvage médicinal aurait été plutôt étrangère aux Amérindiens.
La fleur donne, paraît-il, une bien meilleure infusion que la feuille et, séchée, elle garde beaucoup plus longtemps sa saveur. Toutefois, il faut la récolter juste au bon moment, soit au printemps, ce qui n'est pas nécessairement évident. Par contre, on peut récolter les feuilles tout au long de l'année.
Les Amérindiens mâchaient les feuilles et s'en servaient pour aromatiser les aliments, notamment en les faisant cuire avec les viandes à forte saveur de venaison. D'ailleurs, dans son Gibier à poil et à plume, Jean-Paul Grappe, professeur à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, propose de préparer un carré de caribou en le faisant d'abord tremper 48 heures dans une marinade aromatisée avec du thé du Labrador. Si...
• Dites donc, je ne voudrais pas jouer les trouble-fêtes, mais ça ne prend pas un s à plume, par hasard?
• Un « nesse » à plumes? Jamais entendu parler de cet oiseau-là! Et si ça ne vous fait rien, j'aimerais terminer ma phrase. Je disais donc que si lui - le professeur, s'entend - le fait, on ne voit pas pourquoi nous on ne le ferait pas. Je veux dire cuire le gibier avec du lédon. Zut! Voilà ce qui arrive quand on se fait déranger. On perd le fil...
Mais enfin, est-ce oui ou non toxique?
Toutes sortes de choses ont été dites sur la soi-disant toxicité du lédon, qui renfermerait, à petites doses, de l'andromédotoxine, composé qui se trouve en concentrations beaucoup plus élevées dans d'autres éricacées, le kalmia, notamment. En outre, à cause de sa richesse en tanins, il peut être difficile à digérer pour les estomacs délicats. Mais les grands amateurs de thé du Labrador vous jureront qu'ils en boivent depuis des éons sans éprouver le moindre effet indésirable. Quoiqu'il en soit, respectez les deux règles suivantes et vous serez à l'abri de toute réaction détestable. À moins bien sûr d'une imprévisible réaction idiosyncrasique (terme médical et sociopolitique qui, en gros, signifie qu'un organisme donné se comporte comme un idiot à l'ignorance crasse lorsqu'il se trouve devant une substance étrangère, lui déclarant la guerre avant même de la saluer et de s'enquérir de ses intentions).
Donc :
• N'en abusez pas : une tasse par jour suffit.
• Ne le laissez pas mijoter trop longtemps : la cuisson prolongée libérant des principes plus ou moins indigestes. Encore que chez certaines nations amérindiennes, on laissait décocter les feuilles pendant une bonne demi-heure. Il faut croire qu'ils n'avaient pas l'idiosyncrasie facile.
Voyez notre recette dans Documents associés.
Et ça soigne quoi?
On connaît peu d'usages médicinaux au thé du Labrador. Par voie externe, on l'a employé comme parasiticide contre les poux, la gale, la teigne et autres maladies de la peau, y compris la lèpre. Dans ce dernier cas, on le prenait également par voie interne. Les Russes, qui ont étudié nombre de plantes médicinales, se sont intéressés de près au lédon. Ils ont découvert qu'il était antioxydant (pas étonnant, avec l'arôme qu'il dégage!) ainsi qu'antimutagène en présence d'une substance comme l'uréthanne, et qu'il combattait certaines formes d'irradiation. Enfin, on a réussi, avec son huile essentielle, à guérir l'encéphalite de la taïga, maladie infectieuse transmise par les tiques ou les moustiques.
Considéré comme un stupéfiant léger, on l'a prescrit contre la coqueluche, la dysenterie et les affections de la vessie. Dans certaines nations amérindiennes, les femmes en prenaient trois fois par jour à l'approche de l'accouchement, histoire de faciliter leur travail. On a également prisé les feuilles réduites en poudre pour soulager le mal de tête.
On retrouve une bonne partie de ces propriétés dans son huile essentielle qui est considérée comme anti-inflammatoire, antispasmodique, antibactérienne, décongestive et possiblement antitumorale. Ce serait aussi un draineur hépatique et un régénérateur des cellules du foie. On s'en est servi pour soigner les intoxications hépatiques d'origine circulatoire, l'insuffisance hépatique, les séquelles d'hépatites virales, les entérites, les néphrites toxémiques ou microbiennes, la gravelle, la prostatite infectieuse, les adénites toxémiques. Enfin, on s'en est également servi pour soigner les allergies chez les hypersthéniques (c'est-à-dire chez les personnes dont certains tissus ou organes réagissent de façon disproportionnée - des idiosyncrasiques, quoi!), ainsi que les insomnies, la nervosité, le spasme du plexus solaire, le déséquilibre thyroïdien.
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