L’évaluation des risques
et des bénéfices sanitaires et nutritionnels des aliments issus de l’agriculture
biologique a été réalisée à partir d’études comparatives menées avec des
produits issus de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle.
Des études ou travaux, qui ne sont pas des études comparatives ou des travaux
de caractérisation des aliments issus de l’agriculture biologique, ont
également été examinés pour leurs propriétés explicatives de mécanismes
permettant de mieux appréhender les répercussions des modes de culture ou
d’élevage sur les caractéristiques des aliments produits.
Pour traiter de cette
auto-saisine, l’AFSSA s‘est appuyée sur une méthodologie combinant les outils 11
suivants
• Groupes de travail
regroupant des scientifiques issus ou non des comités d’experts de l’AFSSA des
représentants de la filière biologique (Ecocert, ITAB, FiBL…) afin de traiter
des aspects sanitaires et nutritionnels ;
• Réunions de travail
avec des scientifiques, des membres des comités d’experts spécialisés, des représentants
des administrations (DGAL, DGCCRF, DPEI, DGS) et des organismes de la filière d’agriculture
biologique (SETRABIO-BIOCONVERGENCE, Agence Bio) afin d’approfondir certains
points spécifiques
• Analyse de documents
transmis par les services de contrôle : résultats de plans de surveillance et de
plans de contrôle de la DGAL et de la DGCCRF ;
• Etude d’articles
scientifiques parus dans des revues à comité de lecture ou non, sélectionnés selon
des critères définis qui sont présentés ci-dessous ;
• Analyse de comptes
rendus de réunions spécialisées, documents de l’IFOAM ;
• Prise en compte des
enquêtes représentatives au niveau national et européen ;
• Réunion d’étape
publique avec des instances des autres pays européens.
1 CRITÈRES DE SÉLECTION DES ARTICLES SCIENTIFIQUES
Un important travail
bibliographique a été réalisé à partir des études scientifiques publiées ;
cette revue de la littérature a constitué la principale source de données
permettant de mener à bien cette évaluation. Ont été privilégiés les articles
publiés depuis 1980 en portant une
attention particulière à la recherche des études réalisées à un niveau
international. Des critères de sélection des études comparatives, pour leur
prise en compte ou leur exclusion pour cette évaluation, ont été déterminés en
s’inspirant de ceux retenus pour l’étude de la Soil Association (2001). (
Critères d’inclusion pour la sélection des articles portant sur les
caractéristiques des aliments issus de l’agriculture biologique et de
l’agriculture conventionnelle et sur les mécanismes expliquant certaines
propriétés des aliments issus de l’agriculture biologique :
• L’échantillonnage doit
être réalisé de manière à permettre des conclusions valides sur le plan statistique
;
• Les données sur les
produits issus de l’agriculture biologique doivent provenir exclusivement de fermes
et d’unités de transformation certifiées ;
• Les pratiques agricoles
et d’élevage doivent être bien décrites et relever sans ambiguïté des modes de
production biologique ou conventionnel ;
• Les méthodes de
production doivent indiquer les pratiques appliquées par les producteurs (par exemple
: fertilisation, assolement, phyto-protection, alimentation animale, santé
animale, emploi d’additifs, etc.) ;
• Les teneurs sont
exprimées clairement par rapport à la matière fraîche et/ou la matière sèche ;
• Les études comparatives
doivent porter sur des critères pertinents du point de vue de la sécurité sanitaire
et de la valeur nutritionnelle (Critères d’exclusion pour la sélection des
articles portant sur les caractéristiques des aliments issus de l’agriculture
biologique et de l’agriculture conventionnelle
• L’essai est conduit sur
un sol dont l’histoire n’est pas connue (condition : au minimum 2-3 ans après
conversion) ;
• Les pratiques sont
incorrectes au regard notamment des exigences de l’agriculture biologique ou les
renseignements sur les essais agronomiques ou sur les échantillons sont
insuffisamment documentés ;
• La présentation des
données ne permet pas de faire une séparation entre les données valides de celles
qui ne le sont pas ;
• Les études sont la
reprise d’une publication déjà éditée.
La recherche des articles
s’est faite à partir des revues bibliographiques mais l’évaluation a été réalisée
à partir des articles initiaux sélectionnés selon les critères précités.
2 DÉMARCHES DE TRAVAIL
Plusieurs démarches ont
été envisagées pour mener à bien l’évaluation : expérimentale, déductive,
globale. La démarche expérimentale est la plus rigoureuse scientifiquement.
Cependant, en raison du manque de données disponibles sur les produits
issus de l’agriculture biologique, l’évaluation s’est souvent appuyée sur une
démarche déductive. Dans un souci d’homogénéisation des différents thèmes
abordés dans ce rapport, il a été tenté pour chaque chapitre, de faire une description
assez générale de la thématique (ex : dans le cas de l’œuf, description de ses caractéristiques
nutritionnelles ; dans le cas des risques bactériens, bactéries à l’origine des
Toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) en Europe) puis d’introduire
l’une ou les démarches qui sont présentées ci-dessous, avant de conclure sur
d’éventuels risques ou bénéfices.
2.1 La démarche
expérimentale
Elle consiste à comparer
certains paramètres nutritionnels ou sanitaires de denrées animales ou végétales
selon un même protocole expérimental rigoureux dans deux conditions de
production : biologique et conventionnel.
Exemple : deux lots de
grains de blé de la même variété et récoltés au même stade de maturation, cultivés
sur des sols voisins (même nature de sol, même climat, etc.) l’un par une
méthode conventionnelle et l’autre en suivant le cahier des charges de
l’agriculture biologique.
2.2 La démarche déductive
Elle repose également sur
un raisonnement scientifique permettant d’estimer les impacts nutritionnels ou
sanitaires d’un facteur de production, à partir de la connaissance des
techniques de production, d’élevage et des facteurs de variation.
Exemple : La valeur
nutritionnelle du lait est bien connue mais est soumise à un certain nombre de facteurs
de variation (stade de lactation de l’animal, race, alimentation notamment).
L’alimentation des animaux élevés selon le mode biologique est soumise au cahier
des charges (liste positive des matières premières, limitation du pourcentage
d’inclusion des concentrés dans la ration…). Pour une même race laitière et à
stade de lactation de l’animal équivalent, la valeur nutritionnelle du lait
produit par une vache alimentée selon le mode biologique pourra être différente
ou non de celle du lait produit par une vache alimentée selon le mode
conventionnel.
2.3 La démarche globale
Elle repose sur des
comparaisons analytiques entre des séries d’échantillons d’aliments issus de divers
modes de production dans des conditions non strictement comparatives. Sa
validité est indéniable quand elle se limite à vérifier la qualité absolue d’un
aliment, c’est à dire à évaluer le résultat d’un produit tel que présenté au
consommateur (par exemple l’absence de résidus de pesticides, la teneur en
nitrates, etc.). En revanche, elle ne permet de comparer stricto sensu les résultats
de deux types de production que si les conditions de production sont connues, particulièrement
quand il s’agit d’aliments prélevés sur le marché : si la certification
Agriculture Biologique peut être une garantie de mode de production, il n’en
est pas de même des produits non labellisés qui sont issus de pratiques
agricoles dont la diversité est extrême (du produit de petit producteur à ceux
de culture intensive) rendant la comparaison difficile. Quand il s’agit de
produits labellisés (notamment le Label Rouge pour les volailles) ou de
certains aliments produits par des techniques basées sur la modération des
traitements, au contraire, la comparaison sera plus valide dès lors que les
conditions de production seront mieux cernées.
3 EXPRESSION DES RÉSULTATS DES DONNÉES
3.1 Matière sèche vs. Matière
fraîche
Les teneurs de certains
nutriments d’aliments issus de l’agriculture biologique et conventionnelle sont
exprimées selon les études comparatives disponibles en fonction de la matière
fraîche ou de la matière sèche. La valeur nutritionnelle des aliments donnée
dans les tables de composition des aliments est classiquement exprimée en
matière fraîche. Néanmoins, l’expression des teneurs sur la base de la matière
sèche est également utile pour l’appréciation de la valeur nutritionnelle et
pour faire des comparaisons rigoureuses entre certains échantillons végétaux.
3.2 Interprétation des
résultats
Les résultats comparatifs
recueillis dans les différentes études analysées ont été regroupés selon une
classification simple :
• AB > AC : Les
résultats statistiques de l’étude montrent une teneur significativement supérieure
en l’élément considéré dans les produits issus de l’agriculture biologique, comparativement
à ceux issus de l’agriculture conventionnelle.
• AB = AC : Les résultats
statistiques de l’étude ne montrent pas de différences significatives entre les
produits issus de l’agriculture biologique et les produits issus de
l’agriculture conventionnelle.
• AB < AC : Les
résultats statistiques de l’étude montrent une teneur significativement inférieure
en l’élément considéré dans les produits issus de l’agriculture biologique, comparativement
à ceux issus de l’agriculture conventionnelle.
Lorsque cela était
possible, des bilans ont été réalisés, en comptabilisant le nombre de résultats
correspondant à chacune des catégories (>, = ou <) permettant ainsi
d’identifier certaines tendances, sans signification statistique.
4 LES LIMITES DU RAPPORT
L’évaluation des risques
et des bénéfices sanitaires et nutritionnels des aliments issus de l’agriculture
biologique n’a pu être menée à bien que lorsque le nombre de données était
suffisant.
Concernant les aspects
nutritionnels. La majorité des études retenues ne traite que de l’aspect quantitatif
de la valeur nutritionnelle des aliments, en se limitant à la comparaison sur
les teneurs d’un nutriment ou d’une famille de nutriment, pour un ou quelques
aliments. Aucune donnée ne permet de considérer l’influence du mode
d’agriculture sur la biodisponibilité des nutriments, ni même sur leur métabolisme,
leurs rôles physiologiques ou sur la santé du consommateur. De même, aucune
étude ne compare l’influence, sur le statut nutritionnel des consommateurs,
d’un régime global à base d’aliments biologiques, à un autre régime à base
d’aliments conventionnels.
Enfin, dans la
littérature, certaines thématiques n’ont pas ou quasiment pas, été étudiées.
C’est le cas par exemple de l’effet du mode de production biologique sur les
teneurs en protéines des œufs ou du lait, en vitamines K, D ou vitamines du
groupe B (à l’exception des vitamines B1 et B2) des aliments ou encore sur les
modifications éventuelles de profil en acides gras des beurres et huiles biologiques.
Concernant les aspects
sanitaires. Le manque de données comparatives sur les modes de production biologique
et conventionnel a conduit à mener le plus souvent l’évaluation des risques et bénéfices
à partir de la connaissance des techniques de production et d’élevage selon la
démarche déductive.
Par ailleurs, comme cela
a été indiqué dans l’introduction de ce rapport, l’ensemble des pratiques de
l’agriculture biologique conduit à un système global de production qui se
différencie par beaucoup d’aspects des systèmes de production conventionnels,
en particulier les plus intensifs. Cependant, par rigueur scientifique
indispensable dans l’approche expérimentale, beaucoup d’études comparatives
impliquent une approche simplificatrice (ex : comparaison de variétés ou races identiques,
de cultures sur des périodes assez courtes…). Les données issues de telles comparaisons
pourraient ne pas toujours refléter les effets de systèmes de production
complexe différents sur l’ensemble des produits disponibles sur le marché.Il
convient d’ajouter que la filière biologique n’est pas une filière homogène :
- dans le temps : les
règles se sont durcies au fil des années, en conséquence, des observations
anciennes sont relativisées,
- dans l’espace : les
exigences du règlement communautaire sont des exigences minimales. Certains
Etats, dont la France, ont des règles plus sévères.
De son côté, la filière
conventionnelle est encore moins homogène. Elle couvre de nombreux systèmes de
production dont certains ont des points communs avec la filière biologique (par
exemple pour la durée d’engraissement, l’accès à des parcours extérieurs…).
Les productions
biologiques en pisciculture, de développement récent en France, n’ont pas été abordées
dans ce rapport. Ce point mériterait d’être examiné dans le cadre d’une
évaluation de la filière piscicole.
Les aspects
environnementaux, qui constituent un des fondamentaux de l’agriculture
biologique, ne relèvent pas des compétences de l’AFSSA et n’ont pas été
envisagés dans le cadre de ce rapport
Les aspects de bien-être
animal en élevage biologique, et de qualités organoleptiques des aliments issus
de l’agriculture biologique, n’ont pas été évalués dans le cadre de cette
étude.