Busserole
Son nom
« Busserole » vient du provençal bouisserolo, qui veut dire « buis », par analogie de forme entre les deux arbrisseaux. Arctostaphylos signifie « raisin d'ours », parce que, on s'en doute un peu, les baies sont très appréciées de ces plantigrades. D'ailleurs, en français comme en anglais (bearberry), c'est le principal nom vernaculaire de la plante.
Son rôle dans l'équilibre écologique
Souvent présente sur les bancs de sable escarpés, les saillies montagneuses et les falaises, la busserole retient le sol et freine l'érosion causée par ce cher Éole qui s'en donne à coeur joie dans ces endroits dénudés. Pour ces raisons, les paysagistes aiment à la planter dans les endroits sablonneux, sensibles à l'érosion, où elle constituera un couvre-sol efficace et agréable à l'oeil.
Et ça se mange?
C'est sous le nom de kinnikinnick que les Amérindiens connaissaient la busserole, qu'ils cueillaient depuis la fin de l'été jusqu'au printemps, les baies restant souvent sur le plant pendant tout l'hiver. On les mangeait fraîches et crues ou cuites. On les conservait fraîches, dans des contenants faits d'écorce de bouleau ou bien dans la graisse ou encore séchées.
Comme c'est le cas pour de nombreuses variétés de baies, on les employait en abondance dans les bouillons et les soupes, en les faisant cuire avec de la viande. Ou on les cuisait dans de la graisse animale, puis on les mélangeait avec des oeufs de poisson et on édulcorait le tout au sirop d'érable ou de bouleau. Dans les années où les bleuets étaient rares, on faisait de grandes provisions de baies de busserole. Et, bien entendu, on en faisait du pemmican...
On va supposer que vous vous êtes perdu en forêt. Au lieu de céder au découragement, comme vous seriez enclin à le faire, vous faites contre mauvaise fortune bon coeur et vous vous préparez à passer la nuit dans un abri de fortune qui se trouve opportunément placé sur votre chemin. Vous vous installez près du feu et finissez par vous endormir. Mais, durant la nuit, vous faites un rêve dans lequel vous apparaît l'Esprit de la forêt en personne...
« Quidam! » dit l'Esprit en agitant un index osseux dans votre direction, « tu ne sortiras pas de la forêt avant le printemps ! » Tout en levant le doigt vers le ciel, l'Esprit poursuit : « Le Paternel l'a voulu ainsi et ce n'est pas moi qui me risquerais à le contredire, non Monsieur! Toutefois, il est de mon devoir d'aider tous ceux qui ont l'admirable, quoique téméraire audace d'aller se balader en forêt en plein mois de décembre. Je vais donc te révéler la recette du pemmican. Mais il te faudra d'abord chasser le chevreuil, le dépouiller de sa peau et l'éviscérer, puis découper sa chair en fines languettes que tu mettras à sécher sur des branches de saule suspendues au-dessus du feu. Attention, toutefois! Il ne s'agit pas de les cuire, mais bien de les fumer. »
Comme vous n'avez pas le choix, dès l'aube vous partez à la chasse au chevreuil (en fait, c'est un cerf de Virginie, mais à cette petite heure, vous vous souciez de la terminologie comme d'une guigne, surtout que vous êtes cruellement privé de votre café matinal). Sur le chemin du retour, la carcasse de la bête posée en équilibre sur votre puissante épaule, vous avez la chance inouïe de tomber sur une talle d'arbrisseaux remplis de petits fruits tout rouges que les oiseaux migrateurs ont opportunément laissés à votre disposition et qui, malgré leur très petite taille, ne sont pas encore recouverts par la neige. Décidément, le hasard fait bien les choses! D'autant plus que, d'après les traces de griffes laissées sur les arbres autour, il est clair qu'un vieil ours quinteux est passé par là il n'y a pas longtemps, mais, allez donc savoir pourquoi, il n'a miraculeusement pas touché aux baies.
De retour à votre abri de fortune, vous préparez la viande pour le séchage et le boucanage en l'assaisonnant préalablement de la manière suivante : pour 40 kg de viande, il vous faudra environ 3 kg de sel et 200 g de poivre - lesquels poivre et sel, par un formidable coup d'intuition, vous aurez apportés avec vous au moment de partir en promenade - que vous mélangerez intimement. Vous procéderez par lot de 5 kg de viande à la fois que vous mettrez dans un sac de plastique avec environ 500 g de la mixture sel-poivre. Agitez le sac jusqu'à ce que le plus gros de l'assaisonnement colle à la viande, puis mettez les languettes à sécher. Répétez l'opération jusqu'à épuisement de votre stock de viande.
Il vous faudra entretenir votre feu de boucane pendant environ deux jours, après quoi, si les conditions sont bonnes, votre charqui sera prêt.... C'est le nom de la viande ainsi séchée. Il paraît que ça vient de l'espagnol d'Amérique du Sud, où on est familier avec ce type de conservation.
Finalement, vous pourrez enfin préparer votre pemmican en suivant la recette que l'Esprit de la forêt vous aura donnée et que vous aurez notée dans le carnet que vous aurez - toujours grâce à ce flair inouï qui, décidément, vous évite bien des embarras - apporté avec vous. Idem pour le crayon (Vous pouvez aussi trouver notre recette dans Documents associés.).
Grâce à cette préparation qui comprend à la fois des protéines, des lipides et des hydrates de carbone et certainement un peu de vitamines, vous êtes assuré(e) de survivre à l'hiver le plus rigoureux, pour peu que vous vous soyez donné la peine de renforcer votre abri ou, encore mieux, de construire un wikiwam, et que vous ayez fait ample provision de bois pour le feu.
Il semble que l'arbutine ne soit métabolisée que dans les voies urinaires, où elle se dégrade en glucose et en hydroquinone, substance très proche du phénol, un puissant antiseptique. Autrement dit, la plante libère son principe anti-infectieux exactement là où il est requis, ni en aval, ni en amont, et on peut supposer que l'excellente réputation dont elle jouit pour le traitement des infections urinaires vient de ce remarquable sens de l'à-propos que, au fil des millénaires, elle a développé dans ses relations avec les êtres humains.
Par ailleurs, on sait que les Amérindiens employaient les feuilles séchées, avec du tabac et d'autres plantes à fumer, dans leur calumet de paix. On disait que, de par leur pouvoir de calmer les esprits et de clarifier les idées, les feuilles de busserole favorisaient l'entente entre les peuples.
Et ça soigne quoi?
Comme l'atoca, dont elle est botaniquement très proche, la busserole soigne les inflammations des voies urinaires (cystite, inflammation du bassinet et du rein, inflammation de l'urètre consécutive à une blennorragie, hypertrophie de la prostate accompagnée de pus dans les urines, colibacillose). Toutefois, ce sont les feuilles qu'on emploie et qu'il faudra donc se rappeler de cueillir durant l'été pour les faire sécher. Elles soulagent également l'incontinence et la rétention d'urine et, à un moindre degré, les calculs urinaires, la diarrhée, la dysenterie et les pertes blanches. La décoction se prépare à raison de 10 à 15 g par litre d'eau. On amène à ébullition puis on laisse cuire à petits bouillons pendant une demi-heure, ce qui permet d'extraire des feuilles plutôt coriaces l'arbutine, principe actif de la busserole. On prend 2 ou 3 tasses par jour. Comme la plante est riche en tanin, elle peut causer de l'irritation gastrique, auquel cas on pourra ajouter des feuilles de menthe à la décoction ou encore mélanger la décoction à parts égales avec une infusion de camomille.
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