Berce
Son nom
Certains attribuent le nom latin de la berce (Heracleum maximum) au demi-dieu Héraclès (devenu Hercule chez les Romains) à cause de la très grande taille de la plante et de l'impression de force qu'elle dégage. Les noms de « grande berce » (H. spondilyum), « berce très grande » (H. maximum) et « berce géante » (H. mantegazzianum – voir mise en garde dans la section Précaution) témoignent d'ailleurs tous de l'impressionnante taille de la plante qui, selon les espèces, peut atteindre de 1 à 3 mètres.
D'autres croient que Heracleum vient de Héraclée, une ancienne ville qui serait le lieu de naissance de la plante. Sauf que des Héraclée, il y en a eu apparemment plusieurs dans l'Antiquité, que ce soit en Grèce, en Italie ou au Moyen-Orient. De toute façon, on peut supposer sans grand risque de se tromper que, chaque fois, ce nom faisait référence à Héraclès, car après tout, il s'agissait d'un des plus grands héros de la mythologie de l'époque. On se demande d'ailleurs pourquoi, vu qu'il a commencé sa carrière en tuant sa femme et ses enfants. Ensuite, il s'en est pris à un lion, une hydre, une biche, des oiseaux, sous prétexte que ces bestioles étaient extrêmement nuisibles. Puis, il s'est illustré en donnant un roi en pâture à ses chevaux (de la chair humaine à des herbivores! Quel manque de goût!) et en tuant la reine des Amazones qui, on suppose, devait lui tomber sur les rognons à cause de ses positions féministes. En dehors de ça, il faut bien que quelqu'un le dise, il n'a rien fait de bien impressionnant : le nettoyage d'écuries, la capture d'un sanglier et de quelques boeufs, le domptage d'un taureau et la cueillette de pommes, bref des activités essentiellement agricoles que tout paysan de l'époque savait mener à terme.
« Berce » serait d'origine germanique et viendrait de bartsch, nom qui désigne la plante, ou de bartszez, une boisson aigre que l'on fabriquait dans les pays de l'Europe de l'Est et qui tenait à moitié de la bière et à moitié du potage.
On l'a appelée « angélique sauvage » et « panais sauvage », à cause de sa ressemblance avec ces deux plantes de la même famille qu'elle, ce qui peut créer de la confusion puisque, chez nous, ces noms désignent deux autres plantes indigènes. On l'a aussi appelée « panais de vache », sur le modèle de l'anglais cow parsnip, expression qui, tout comme les noms de hogweed et pigweed (littéralement « herbe à cochon »), pourrait indiquer un usage ancien comme plante fourragère. Les noms de Indian Celery (céleri des Indiens) et de Indian Rhubarb (rhubarbe des Indiens) réfèrent aux emplois alimentaires qu'en faisaient les Amérindiens.
Par analogie de forme, on l'a appelée « patte d'ours » et « fausse acanthe ». Parfois aussi « herbe du diable ». L'étrange nom de « berce branc-ursine » qu'on lui donne parfois en France garde pour l'instant tout son mystère, « branc » et « ursine » n'existant pas comme tels dans les dictionnaires. Peut-être le second est-il encore une allusion à l'ours?
Et ça se mange?
On croit que la berce laineuse a été la plante printanière la plus consommée par les Amérindiens du Canada et vraisemblablement des États-Unis. Plante ubiquiste s'il en est, elle pousse de l'Alaska à Terre-Neuve et, au sud, jusqu'en Californie, en Arizona et en Georgie. On l'appelait « la patronne de tous les légumes verts ». On mangeait les jeunes feuilles et leurs pétioles ainsi que les jeunes tiges avant que la plante ne fleurisse, la récolte se faisant généralement d'avril à juin. À cause de la présence, dans les feuilles matures et dans la pelure des tiges et pétioles, de composés photosensibilisants et irritants appelés furanocoumarines, il est important de manger les feuilles très jeunes et de peler les tiges et les pétioles, chose que les Amérindiens savaient sans pour autant en connaître l'explication scientifique moderne. Les tiges et les pétioles étaient souvent mangés crus, sur place. Ou bien on les mélangeait à de l'huile ou de la graisse animale. Plus tard, on les a mangés en les plongeant dans un bol de sucre, à la manière de la rhubarbe, d'où le nom vernaculaire de « rhubarbe des Indiens ». Chez certaines nations, on les faisait rôtir avant de les peler et de les manger. On les faisait également bouillir avec de la viande ou du poisson dans des soupes ou des ragoûts. Fendus en deux et séchés, les pétioles étaient parfois conservés tout l'hiver. Un autre mode de conservation consistait à les couper en petits morceaux et à les tremper dans du sang, dans le but de les utiliser plus tard dans les soupes (voir notre recette dans Documents associés).
À noter toutefois que les tiges et les pétioles sont bien meilleurs crus, la cuisson leur faisant perdre une bonne partie de leurs principes aromatiques.
Les Amérindiens ont employé les cendres des feuilles comme succédané du sel. Plus riches en potassium qu'en sodium, ces cendres ont l'avantage d'être moins dommageables que le sel de table ordinaire pour les personnes qui souffrent d'hypertension.
En Europe de l'Est, on recueillait, sur les tiges et les pétioles qui avaient été mis à sécher au soleil, une exsudation sucrée que l'on employait pour la confection de friandises. On en a également fait un alcool.
Avec les fruits (que l'on appelle à tort « graines »), on a fait une sorte de boisson enivrante. On les a aussi employés comme assaisonnement, surtout durant l'hiver. D'ailleurs, leur agréable saveur d'orange en fait un aromate tout indiqué pour la confection de sorbets ou de glaces.
Bien qu'on l'ait affirmé, il n'est pas certain que les Amérindiens aient consommé les racines, dont la saveur est piquante, amère et extrêmement aromatique. Mais ce n'est pas impossible puisque, en Europe, on a consommé celles de deux espèces proches, tout aussi aromatiques. On ne les employait qu'en petite quantité, comme condiment.
Et ça soigne quoi?
Selon le frère Marie-Victorin, les Hurons auraient employé avec succès l'infusion de berce laineuse pour combattre la grande épidémie de grippe espagnole de 1918. Toutefois, cet usage ne semble pas avoir été répandu puisque la majorité des sources n'en font pas mention.
Les soeurs de la Providence la décrivent comme stimulante, carminative et, à haute dose, poison. On l'employait dans l'épilepsie accompagnée de flatulences et de troubles gastriques. Le traitement devait se poursuivre sur une longue période.
Notre berce partage avec une espèce européenne (H. spondilyum) un certain nombre de propriétés, et on peut supposer que les deux plantes diffèrent peu, en réalité, dans leur action, car elles sont toutes deux riches en octanol, un principe aromatique auquel on attribue leur action. La racine, les feuilles et les fruits de la berce spondyle ont été employés en Europe comme aphrodisiaque, stimulant, digestif, hypotenseur, vermifuge, résolutif, détersif. La plante a servi à soigner l'asthénie sexuelle, les troubles de la digestion, les gaz, l'hypertension artérielle, l'insuffisance rénale et l'épilepsie.
Les fruits ont été employés contre la blennorragie.
La racine se prend en décoction, à raison de 15 grammes par litre d'eau. On en prend 3 verres par jour.
Les fruits se prennent en infusion à raison de 2 cuillerées à thé par tasse d'eau. On infuse 10 minutes et on prend 3 tasses par jour.
En usage externe, on s'est servi de la décoction de la racine en compresses et lavages pour soigner oedèmes, tumeurs, abcès, furoncles et ulcères atones. On la prépare à raison de 30 grammes de racine par litre d'eau.
Précautions
Comme le céleri, qui est de la même famille, la berce est photosensibilisante et peut donc provoquer, à haute dose, des manifestations allergiques lorsqu'on s'expose au soleil après en avoir consommé. Mais il faut en prendre beaucoup pour courir un risque grave. En outre, les feuilles matures peuvent provoquer, chez certaines personnes, une irritation cutanée qui est, par contre, tout à fait passagère. Pour ces raisons, avant de se lancer dans un processus relativement exigeant comme la lacto-fermentation, il serait préférable de tester sa résistance à la plante.
Mise en garde au sujet de la berce du Caucase
Attention à la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), dont les tiges peuvent atteindre de 2 m à 5 m de hauteur. En effet, La sève de cette espèce de la plante contient des toxines photosensibilisantes qui peuvent provoquer des dermatites. Les lésions apparentées à des brûlures sont douloureuses et parfois très graves.
Pour distinguer les deux plantes : la face inférieure des feuilles de la berce laineuse est tapissée de poils blancs souples, lui donnant une texture feutrée; la face inférieure des feuilles de la berce du Caucase porte peu ou pas de poils, et s'il y en a, ils sont plutôt rudes. D'autre part, les taches rouges ou violettes qui se trouvent sur la tige de la berce laineuse sont plutôt diffuses, tandis qu'elles sont bien définies sur la tige de la berce du Caucase.
En cas de lésion grave, ne pas hésiter à contacter Info-Santé (811) ou le Centre Antipoison du Québec (1 800 463-5060).
Source : Direction de la protection de la santé publique, août 2009
À noter également que les botanistes et les autres passionnés de plantes indigènes mettent habituellement en garde contre le risque de confondre la berce avec des plantes hautement toxiques de la même famille, particulièrement la ciguë maculée (Conium maculatum) et la cicutaire maculée (Cicuta maculata). Il va de soi qu'on ne ramassera cette plante que lorsqu'on aura la certitude qu'il ne s'agit ni de l'une ni de l'autre de ses cousines toxiques. Et c'est pas le moment de rigoler : l'ingestion d'aussi peu que 2,5 grammes de racine de cicutaire suffit à tuer un adulte en bonne santé. C'est d'ailleurs à ses services mortifères que faisaient appel les Amérindiens qui désiraient en finir avec la vie. Quant à la ciguë, c'est avec elle qu'on aurait préparé la potion qui aurait « suicidé » Socrate.
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