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lundi 21 septembre 2020

le bleuet

 le bleuet

Son nom

Étroitement associé à la région du Lac Saint-Jean où il abonde, le mot « bleuet » - ou « beluet » ou « bluet » - a fini par signifier, un peu ironiquement, ses habitants, dont on dit qu'ils ont les mêmes caractéristiques que les petits fruits de la plante qu'il désigne : mi-sucrés, mi-aigres, très légèrement pâteux, mais avec un fabuleux potentiel créatif...

Pour les Français, le mot est l'un des noms populaires d'une autre plante, la centaurée bleue, ce qui peut entraîner une certaine confusion dans la mesure où les deux plantes ont une action médicinale. D'où l'importance d'identifier les plantes par leur nom latin, n'est-ce pas? Vaccinium angustifolium ou Vaccinium myrtilloides, donc.

 On pense que ce nom vient du latin médiéval vaccinus, vaccinas, qui veut dire « vache », mais aucune explication ne nous est donnée quant aux raisons de cette association. Est-ce parce qu'en Europe, les bleuetières ont déjà servi de pâturages aux vaches? En tout cas, chose certaine, dans nos bleuetières à nous, on a beaucoup plus de chances de rencontrer un ours brun, du genre hypoglycémique et mal luné, qu'un bovidé au regard placide. À surveiller de près.

Son rôle dans l'équilibre écologique

Comme la majorité des plantes de la grande famille des éricacées (à laquelle appartiennent également le rhododendron, le thé du Labrador et le thé des bois), le bleuet vit dans la taïga et les tourbières où cette famille forme la masse de la végétation. Ils sont des millions d'individus à occuper ces milieux ingrats, peu attrayants pour les autres plantes. En plus de partager le même habitat, toutes ces espèces ont en commun d'être riches en tanin et de vivre en symbiose avec des champignons, le rhizoctone étant celui qui cohabite avec le bleuet et les autres Vaccinium. Fascinant, n'est-ce pas, que ce champignon soit si agréable au bleuet tandis qu'il est réputé détruire les racines de diverses plantes potagères et fourragères, dont l'asperge, la luzerne, le sainfoin et le trèfle!

Et ça se mange?

Question absurde s'il en est car qui, enfant, n'a pas passé au moins quelques heures à ramasser les petites baies bleu noir et à s'en barbouiller le visage de contentement?

D'ailleurs, s'il y a une baie que les Amérindiens ont consommée en grande quantité et ont préparée d'innombrables façons, c'est bien le bleuet. Les Saulteux le faisaient cuire avec du maïs durant l'hiver ou le faisaient bouillir avec de la graisse d'orignal et divers autres aliments. Les Algonquins en faisaient une sorte de pâte de fruits ou le mangeaient avec du pemmican ou du beurre. Les Micmacs en extrayaient le jus. Même les Montagnais qui, paraît-il, dédaignaient normalement les aliments d'origine végétale, le prisaient. Pendant une certaine période de l'année, il constituait ni plus ni moins que la base d'un grand nombre de leurs recettes. Ils en faisaient notamment une sorte de gâteau déshydraté, extrêmement nutritif et nourrissant. Chez les Kwakwaka'wakw de la Colombie-Britannique, on mangeait les bleuets avec des oeufs de saumon. D'autres les cuisaient dans la bannique. Les Esquimaux les mélangeaient avec une variété de framboise et en faisaient une sorte de crème glacée, appelée « glace des Esquimaux ». Encore aujourd'hui, les Inuits les mangent avec des oeufs de poisson, de la graisse de phoque et du sucre; ou encore ils les mélangent avec de l'oseille et du blanc de baleine. À moins qu'ils ne les servent avec de la nageoire de phoque marinée, c'est selon.

Pour les conserver, on les faisait simplement sécher au soleil ou sécher-fumer à feu très doux dans un panier d'écorce de bouleau, en utilisant les branches de l'arbuste comme carburant. Ou on les mélangeait à de la graisse - de phoque, de poisson-chandelle ou d'orignal. Dans les régions au climat plus clément, on les conservait dans des paniers d'écorce de bouleau que l'on enterrait dans des caches, recouvertes de mousse et de feuilles.

Et ça soigne quoi?

C'est l'espèce européenne, Vaccinium myrtillus, l'airelle myrtille, qu'on a étudiée et employée en médecine, mais comme les principes actifs sont essentiellement un pigment et des tanins, et que nos espèces sont bien pourvues tant de l'un que des autres, il n'y a pas de raison pour qu'elles n'aient pas les mêmes propriétés. Les Soeurs de la Providence écrivent d'ailleurs dans leur Matière Médicale : « On pense que l'airelle myrtille n'est qu'une même chose avec le petit fruit si bien connu des enfants sous le nom de « gueules noires » qu'on trouve dans nos bois. »

Tant les baies que les feuilles ont été employées, mais leurs propriétés diffèrent sensiblement. Ainsi, seules les baies seraient antidiarrhéiques. En Suède, on en prépare traditionnellement un potage destiné à combattre la diarrhée. Mais c'est la décoction qu'on prescrit le plus souvent à cet effet. Elle se prépare à raison de 3 c. à soupe de bleuets séchés par demi-litre d'eau. Bouillir pendant 10 minutes et filtrer. Prendre plusieurs verres par jour. Selon le Dr Fritz Weiss, le mélange jus de bleuet et fromage quark serait particulièrement efficace contre les diarrhées d'été, les attaques aiguës de diarrhée, voire la dysenterie. Éviter de sucrer le jus.

Attention toutefois : mangé cru et frais, en grandes quantités, le bleuet a exactement l'effet contraire, c'est-à-dire qu'il est laxatif!

Pour faire passer la pilule aux enfants, on réduit les bleuets séchés en poudre, on passe cette dernière au tamis et on en fait une décoction qu'on cuira à petits bouillons environ 3 minutes. Il paraît qu'ils aiment bien.

À cause de son astringence, la décoction de bleuets est également utile dans les inflammations de la cavité orale. On l'emploie en rince-bouche.

Selon le Dr Jean Valnet, la feuille, tout comme la baie d'ailleurs, serait un des plus puissants anticolibacillaires actuellement connus, ce qui a été confirmé récemment lorsqu'on a découvert qu'elle était tout aussi apte que la canneberge à soigner la cystite provoquée par la présence accidentelle de E. coli dans l'appareil urinaire, particulièrement dans les premiers stades de l'infection ainsi qu'en prévention chez les personnes souffrant de cystite récurrente.

Elle serait également utile aux femmes souffrant de crampes menstruelles, son pigment ayant un effet relaxant sur les muscles lisses.

Le bleuet pourrait en outre prévenir la dégénérescence maculaire, affection qui frappe 10 millions d'Américains âgés de plus de 50 ans, et qui peut conduire à la cécité. D'ailleurs, on lui attribue depuis longtemps le pouvoir d'améliorer l'acuité visuelle, particulièrement la vision crépusculaire et nocturne.

La feuille est réputée avoir une certaine activité antidiabétique quoique cette dernière soit relativement faible et ne permette pas de se passer d'insuline ou des autres médicaments habituellement prescrits à cet effet. Elle permettrait toutefois d'atténuer les troubles qui accompagnent cette maladie, notamment la rétinite et les angiopathies. Elle augmenterait en outre la résistance des capillaires sanguins. Athérosclérose, troubles de la circulation (hypertension artérielle, coronarites et fragilité capillaire) répondraient bien au traitement. On la prend en décoction à raison de 40 g de feuilles par litre d'eau. On fait bouillir 5 minutes et infuser 10 minutes. On peut prendre jusqu'à un litre par jour. La teinture se prend à raison de 50 à 100 gouttes, 3 fois par jour.

On aurait également utilisé la décoction de racine à raison de 15 g à 20 g par litre d'eau en compresse sur les plaies pour les assainir et les cicatriser.

On fera sécher les bleuets au soleil ou, en cas de pluie, au four ou dans un déshydrateur. Par contre, feuilles et racines seront séchées à l'ombre, comme il se doit.

 


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