Le cresson
Du cresson à volonté
Considéré de tout temps comme diurétique, stimulant et antiscorbutique, le cresson de fontaine était, en outre, réputé chez les Romains qui en mangeaient de grandes quantités, notamment parce qu'ils croyaient que cette plante pouvait prévenir la calvitie et qu'elle stimulait l'activité de l'esprit. Quant aux Grecs, ils affirmaient que le cresson pouvait « redonner raison aux esprits dérangés » et atténuer les effets de l'ivresse, d'où son emploi général dans les banquets. Très riche en vitamine C, E, A, B1 et B2, ainsi qu'en calcium (environ trois fois plus que les épinards), cuivre, fer et magnésium, c'est un aliment de choix, au goût légèrement piquant - qui lui vient de ce qu'il appartient à la famille de la moutarde et que, comme la majorité des plantes de cette noble famille, il renferme un composé soufré qui lui confère cette saveur tout à fait sui generis. Il s'agit d'ailleurs de l'une des familles botaniques les plus utiles puisqu'elle comprend tout ce qui s'appelle chou, chou-fleur et compagnie, moutarde brune, noire, blanche, cresson - de fontaine et alénois - roquette, radis, navet, colza, qui à diverses époques ont toutes été considérées comme des plantes médicinales, particulièrement par les Chinois qui les portent en très haute estime et qui, bon an mal an, en consomment probablement plus que tout autre peuple sur la planète.
Comme l'indique son nom populaire, le cresson de fontaine a besoin d'un milieu humide pour s'épanouir. En fait, il lui faut une eau qui, sans courir, ne dort pas. À l'état sauvage, il pousse sur le bord des ruisseaux. Originaire d'Europe, il est naturalisé en quelques endroits au Québec, particulièrement dans la région de Montréal. Commercialement, on le fait pousser dans de grands bassins qui portent le nom de cressonnières.
Étant donné la piètre qualité des cours d'eau du Québec (en fait, pratiquement partout sur la planète), il n'est pas recommandé de cueillir le cresson qui croît à l'état sauvage, à moins qu'on soit certain qu'il pousse tout juste en aval d'une source non polluée.
Fort heureusement, il est très facile de le cultiver même si on n'a pas accès à un ruisseau ou une cressonnière car il se développe très bien en contenant, à la condition de respecter ses besoins primaires en eau, nourriture et lumière. Avec un minimum de soins, on peut le cultiver à longueur d'année, au patio l'été, à l'intérieur sous lumière artificielle l'hiver.
Toutefois, la culture en contenant présente un certain nombre de problèmes qu'il faut s'attacher à corriger au risque d'avoir une piètre récolte provenant de petits plants faméliques et en voie de disparition rapide. Il faut notamment porter beaucoup d'attention à la composition du terreau qui devra être à la fois léger - pour éviter d'alourdir indûment le contenant - et riche en substances nutritives. De plus, dans le cas du cresson, il faut penser à munir le contenant d'une assiette de bonne dimension pour recueillir l'eau d'arrosage car cette plante aquatique ne vit heureuse que les pieds dans l'eau. Et froide, l'eau, très froide. Que sa tête soit chaude, elle n'en a cure, mais les pieds, il faut les tenir presque glacés. Ce qui veut dire qu'il faut arroser deux fois par jour l'été. Il n'est pas non plus interdit, durant les grosses chaleurs, de mettre quelques cubes de glace dans l'assiette...
Semences ou boutures?
On peut se procurer des semences chez divers grainetiers, mais il existe une solution encore plus facile et plus rapide : achetez un bouquet de cresson frais à l'épicerie ou à la fruiterie et bouturez-en les tiges. Pour ce faire, il suffit d'enlever la plus grande partie des feuilles, n'en gardant que quelques-unes au sommet, et de mettre les tiges ainsi dénudées à tremper dans un bocal rempli d'eau ou de les piquer directement dans le terreau bien mouillé. Elles formeront très rapidement des racines. Si vous l'avez mise dans l'eau, il faudra la transplanter dans votre contenant dès que les racines seront formées.
Contenants
Toutes sortes d'objets peuvent tenir lieu de contenants, mais gardez à l'esprit qu'il faut vider l'eau qui se ramasse dans l'assiette tous les jours, voire deux fois par jour, le cresson ayant besoin d'une eau qui, sans courir, ne dort pas.... Il est très sensible à l'eau croupie et se détériore rapidement à son contact. Par conséquent, votre contenant ne devra pas être trop lourd puisqu'il vous faudra le soulever très souvent. À moins d'inventer un système génial qui ménagera vos lombaires. Une assiette avec bouchon, par exemple? Ou peut-être pourriez-vous évacuer l'eau par capillarité à l'aide d'un bout de mèche à lampe. Bref, il doit y avoir moyen...
Lumière
L'été, placez vos plants dans un endroit bien éclairé, mais qui ne reçoit pas la lumière directe du soleil. L'hiver, une fenêtre orientée à l'est et une lumière artificielle au-dessus de la plante devraient suffire à ses besoins.
Terreau et fertilisation
Pour le terreau, vous pouvez acheter un mélange tout prêt ou concocter le vôtre. On recommande généralement de ne pas utiliser de terre de jardin pour la culture en contenant, mais plutôt un mélange à parts égales de mousse de tourbe, de vermiculite ou de perlite, et de compost (ce peut être du fumier de mouton composté). À cela, vous ajouterez, pour environ un mètre cube de mélange, 1/2 kilo de chaux et 1/3 de kilo de phosphate de roche. Vous trouverez tout cela en jardinerie. Augmentez ou réduisez les quantités proportionnellement, en fonction de vos besoins.
La chaux (du calcium, quoi!) est essentielle dans le mélange de départ car le cresson préfère un sol alcalin. (On aura compris que la chaux alcalinise, tandis que le soufre, par exemple, acidifie.) Il faudra, de plus, en rajouter à la surface du sol une fois par mois car les nombreux arrosages auront pour effet de lessiver le calcium et d'abaisser le pH. Et, par conséquent, de rendre le cresson fort malheureux.
Pour les mêmes raisons, il faut fertiliser plus souvent. La meilleure façon de le faire est de pulvériser sur les feuilles un engrais liquide composé d'extrait d'algues et d'émulsion de poisson, et dilué selon les indications du fabriquant. Répétez l'opération toutes les semaines.
Avec un peu de chance, au bout de 10 jours, vous cueillerez vos premières tiges de cresson. Récoltez-les en taillant au-dessus de la deuxième ou troisième feuille, et les plants repartiront de plus belle. Par ailleurs, enlevez les tiges florales dès qu'elles se pointeront le nez (vous verrez, elles montent en hauteur, contrairement aux autres, et sont plus rigides). À une ou deux reprises durant l'été, prélevez sur vos plants des tiges que vous mettrez à bouturer et transplanterez dans d'autres contenants. Ainsi, lorsque vos premiers plants auront épuisé les réserves en nutriments du sol et qu'ils vous paraîtront moins costauds et moins productifs, vous pourrez compter sur une nouvelle génération, toute pimpante et dynamique. N'envoyez pas la terre usée aux vidanges: ajoutez-la aux déchets à composter ou mettez-là au jardin, au pied des arbres, etc.
Une cressonnière improvisée
Depuis des années, je me promets de transformer une vieille baignoire en cressonnière extérieure mais, jusqu'ici, le temps m'a manqué. Équipée d'une arrivée d'eau dans sa partie supérieure et d'une sortie dans sa partie inférieure, la baignoire est, il me semble, un contenant idéal pour la culture du cresson. En plaçant un très bon filtre (peut-être plusieurs épaisseurs de tissu) à la sortie, on assurera l'évacuation régulière de l'eau tout en gardant le terreau à l'intérieur de la baignoire.
La composition du terreau devrait être la même à cela près que j'ajouterais de la terre noire à mon mélange. Je ne mettrais pas trop épais de terreau, 15 à 20 centimètres devraient suffire pour que le cresson soit confortable. L'approvisionnement en eau pourrait se faire grâce à un tuyau d'arrosage ou, si on a des talents de plombier, en branchant carrément le tuyau d'arrivée d'eau sur le système de la maison. Un tuyau d'évacuation fixé au drain de sortie amènerait l'eau « usée » au jardin, au pied des arbres ou arbustes, dans un petit étang artificiel, etc.
Ça ne peut pas ne pas marcher, n'est-ce pas? Et à la limite, si on est maniaque de cresson, on pourrait installer une cressonnière à l'intérieur pour l'hiver. Dans un vieil évier de cuisine peut-être? Dans l'évier sur pattes de la cave qui ne sert jamais, mais qui était là quand on a acheté ou loué la maison? Tiens, tiens, bonne idée, ça!
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