Le cassis
Son nom
Ribes est d'origine arabe et désignait originellement une espèce de rhubarbe. Si on a appelé ainsi les groseilliers, c'est à cause de la saveur aigrelette que possèdent tant les côtes de rhubarbe que les groseilles.
« Cassis » viendrait de « cassier », du grec Kassia, arbre dont la gousse produit une pulpe, la casse, aux vertus laxatives et purgatives, laquelle casse, en passant, est une des espèces qui portent aussi le nom de séné.. Ah ! On adore toute cette confusion. Qui plus est, on a donné ce nom au cassis parce que, en cas de pénurie de séné (ou de casse), c'est prétendument cette baie qu'on employait pour soigner la constipation. Aussi, serons-nous tellement contents d'apprendre, tout à l'heure, qu'elle est excellente contre la diarrhée..
Figurativement, « cassis » veut aussi dire « tête », comme dans l'expression : ma foi d'honneur, il est tombé sur le cassis ou quoi?
« Groseille » viendrait du francique krûsil, premier élément du composé haut-allemand kruselbere, signifiant « baie frisée ». Frisée? Et dire que pendant toutes ces années, je croyais que c'était parce que le fruit vert ressemblait à un gros œil globuleux.
On suppose habituellement que « gadelle » est un québécisme puisqu'il n'apparaît pas dans les dictionnaires modernes, mais c'est une erreur, car on a retrouvé « gadelle » et « gadelier » dans l'édition de 1743 du Dictionnaire universel françois et latin de Trévoux.
Il n'y a pas que nous pour aimer la confusion. Les Anglais s'y complaisent aussi, puisqu'ils ont deux noms pour ce groupe de plantes : tantôt c'est gooseberry, tantôt c'est currant. Sauf que le dernier désigne à la fois le raisin de Corinthe et la baie de certains Ribes.
Son rôle dans l'équilibre écologique
Tous les Ribes sont susceptibles d'héberger une partie du cycle d'un champignon parasite, la rouille vésiculeuse du pin blanc. Ils sont eux-mêmes immunisés contre les effets de la maladie, ce qui n'est malheureusement pas le cas du pin blanc. Au début des années 1920, la maladie a pris tellement d'ampleur que des forêts entières de pin blanc ont été détruites, ce qui a poussé le gouvernement américain à interdire la culture et la vente de toute plante appartenant au genre Ribes. L'interdit fut levé dans les années 1960, entre autres choses parce que le bois du pin blanc n'avait plus l'importance commerciale qu'il avait eue dans le passé. Aujourd'hui, on vend des variétés de cassis qui sont résistantes à la maladie.
Et ça se mange?
Les baies de toutes les espèces du genre Ribes sont consommées depuis toujours. Sur la vingtaine d'espèces qui poussent à l'état sauvage au Canada, celles du R. americanum étaient particulièrement appréciées des Pieds-Noirs, des Saulteux, des Micmacs et des Malécites. On les mangeait fraîches ou on les faisait sécher pour l'hiver. Fraîches, elles étaient transformées en confitures et gelées; séchées, elles étaient souvent mises à cuire avec du maïs. On en faisait parfois une sorte de vin ou de boisson fermentée.
En Europe, la baie de cassis sert à la confection de la célèbre liqueur du même nom, dont la meilleure serait, paraît-il, celle que l'on fabrique depuis deux siècles dans la région de Dijon. L'histoire veut que dans les années 1940, les ventes de la dite liqueur étaient tombées à leur plus bas, ce qui n'était pas sans inquiéter le chanoine Kir, maire de Dijon et personnage haut en couleur, à qui on attribue, entre autres mots d'esprit, le suivant : « La solution aux problèmes de circulation consiste à augmenter la durée des feux verts et à diminuer celle des feux rouges ». Toujours est-il que, jamais à court de solutions, le brave chanoine eut l'idée lumineuse d'inventer le fameux apéritif composé de vin blanc et de liqueur de cassis qui porte son nom et qui est aujourd'hui connu dans le monde entier.
En plus de la liqueur, on a fait du sirop, du jus et du vinaigre avec les baies. Quant aux feuilles, elles fournissent une agréable infusion qui peut facilement remplacer le thé.
Comme ça tombe bien! Le moment de récolter les bourgeons de cassis qui serviront en gemmothérapie coïncide exactement avec celui où on prélève normalement des boutures pour multiplier l'espèce. Il n'y a d'ailleurs rien de plus facile à bouturer, et c'est un exercice extrêmement gratifiant pour ceux qui entreprennent pour la première fois cette technique parfois fort ingrate.
Bouturer du cassis
Cueillez d'abord tous les bourgeons dont vous avez besoin, en les cassant délicatement avec les doigts. Ne prélevez pas tous les bourgeons d'une même branche, histoire de préserver l'équilibre de l'arbuste.
Une fois votre récolte terminée, vous taillerez à l'aide de sécateurs bien affûtés quelques branches saines en les coupant à la base. N'ayez aucune inquiétude pour l'arbuste : il adore ce traitement qui l'aère et le rend plus apte à résister aux maladies fongiques. De retour à la maison, débitez vos branches en tronçons comprenant chacun trois ou quatre bourgeons. Taillez toujours juste au-dessus d'un bourgeon (bout supérieur de la bouture) et juste en dessous d'un bourgeon (base de la bouture).
Doublez de quelques couches de papier journal l'intérieur d'un pot à fleurs assez profond (au moins 20 cm). Remplissez-le de sable, mouillez bien, puis enfoncez vos boutures dans le sable en ne laissant dépasser que le bourgeon supérieur. Recouvrez d'un sac de plastique que vous aurez percé en quelques endroits afin de permettre une certaine aération tout en gardant l'ensemble humide. Placez votre pot en lumière indirecte - une fenêtre au nord, par exemple - et loin de toute source de chaleur qui pourrait dessécher vos boutures, et... faites preuve de patience.
Enlevez régulièrement le plastique pour aérer les boutures, particulièrement s'il y a formation de moisissure sur les bois. Lorsque vous aérez ainsi, profitez-en pour pulvériser les boutures avec de l'eau, la chaleur et la sécheresse des habitations leur étant préjudiciables. Au bout d'un certain temps, des racines puis des feuilles apparaîtront sur vos boutures. Il faudra toutefois freiner vos envies de les mettre en terre rapidement et les laisser plutôt dans le sable pendant quelques mois encore, histoire de développer un bon système de racines. Par conséquent, dès le retour des beaux jours, mettez le pot dehors, à l'abri du soleil, mais avec tout de même une bonne lumière indirecte.
Gardez le ou les plants les plus beaux, que vous transplanterez huit à dix semaines avant les gros gels de l'automne en les arrosant bien. En quelques années, vos plants auront deux mètres de hauteur et à peu près la même envergure. Toutefois, il est possible que vos plants fleurissent normalement, mais ne portent pas de fruits. C'est probablement la pollinisation qui est en cause. Il faudra alors vous procurer en pépinière un plant d'une variété cultivée qui servira de pollinisateur.
Dès la troisième année, vous pourrez prélever sur vos plants assez de bourgeons pour répondre à vos besoins.
N.B. Pour éviter tout risque de contagion par la rouille vésiculeuse, assurez-vous que votre plant se trouve à au moins 65 mètres de tout arbre du genre Pinus, tout particulièrement le pin blanc. Si vous décidez d'acheter vos plants chez un pépiniériste plutôt que de les multiplier vous-mêmes, demandez un cultivar résistant à la maladie.
Et ça soigne quoi?
La baie de cassis serait quatre fois plus riche en vitamine C (2 000 mg par kilo) que l'orange. À ce titre, elle arrive en troisième place, soit après la baie d'argousier et le cynorrhodon. Il suffirait de 70 grammes par jour pour couvrir les besoins d'un adulte. De plus, contrairement à ce qui se passe avec les autres plantes qui en sont riches, la vitamine C présente dans le cassis serait particulièrement stable et ne se dégraderait pas à la cuisson ou au séchage. N'hésitez donc pas à en faire de bonnes réserves en saison et à les congeler ou les faire sécher.
La baie est particulièrement efficace contre la diarrhée - on l'avait bien dit, non? - efficacité que certains attribuent à sa teneur en anthocyanes, ces pigments végétaux bleus ou pourpres qui colorent beaucoup d'espèces de baies, tandis que d'autres y voient plutôt l'effet de sa teneur élevée en vitamine C. Quoiqu'il en soit, c'est certainement pour cette dernière raison que l'on prend les baies ou le sirop pour combattre le rhume ou la grippe, surtout si on commence le traitement dès l'apparition des premiers symptômes.
Par contre, les feuilles, de même que les bourgeons, exercent plutôt une activité spécifique sur les reins et sont particulièrement efficaces contre les rhumatismes, l'arthrite et la goutte. Elles sont en outre indiquées pour soigner la pléthore et les troubles circulatoires de la ménopause. Par voie externe, elles soignent les piqûres d'insectes (on les froisse, puis on en frotte la piqûre) ainsi que, en cataplasme, les furoncles, les abcès et les plaies.
Les baies peuvent se prendre tout simplement telles quelles, fraîches ou séchées. Ou alors, on en extrait le jus que l'on prend à raison de quelques verres par jour. Les personnes qui ont tendance à souffrir de diarrhée(!) peuvent inclure ce jus à leur alimentation quotidienne.
On en a fait un vin et une liqueur, encore appelée ratafia, préparations médicinales qui figuraient jadis dans l'officine de tout bon apothicaire et que les hospitalières gardaient toujours sous la main.
Pour fabriquer le vin, soit on mettait les baies à fermenter avec de la levure comme cela s'est toujours fait pour le raisin, soit on les ajoutait à du vin porto (1 litre de gadelles pour 3/4 de litre de porto. Laisser macérer pendant 3 ou 4 semaines, filtrer et édulcorer au goût).
Quant à la liqueur, elle se préparait en faisant macérer 1 kilo de baies dans 3 litres d'alcool de type vodka, et en ajoutant un demi-kilo de sucre, ainsi qu'un peu de clou de girofle et de cannelle. On écrasait le cassis, on l'introduisait dans une cruche, on ajoutait l'eau de vie, le sucre et les épices, on laissait macérer 15 jours, puis on filtrait.
Considérées comme des élixirs de longue vie, ces préparations sont encore très populaires en Europe.
Les feuilles se préparent en infusion à raison de 30 g à 50 g par litre d'eau. Prendre trois ou quatre tasses par jour.
En gemmothérapie, on emploie souvent la glycérine, cette substance étant, semble-t-il, capable d'extraire à fond les principes actifs subtils présents dans ces condensés de vie que sont les bourgeons. On prépare donc d'abord un mélange à parts égales de glycérine (en vente dans les pharmacies), alcool de type vodka et eau. Les bourgeons sont ensuite mis à macérer dans cette préparation, à raison de 1 partie de bourgeons pour 5 parties de liquide. On laisse travailler trois semaines, on filtre et, voilà, le remède est prêt. Les doses à prendre sont d'environ 15 gouttes, trois fois par jour.
À l'occasion, on a également employé la racine et l'écorce intérieure du cassis, mais ces emplois sont rares et peu documentés.
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