Coqueret
Son nom
Si vous cherchez le Physalis alkekengi dans un catalogue de semences, vous ne le trouverez ni dans la section Herbes et plantes médicinales ni dans la section Petits fruits ni dans la section Légumes. Non. C'est plutôt avec les fleurs qu'il est habituellement classé, sous le nom de « lanterne chinoise. » Et si le nom latin n'est pas indiqué - c'est très souvent le cas - vous ne saurez jamais qu'il s'agit là d'une plante médicinale. Mais pis encore, si le nom latin y est, il s'agira tantôt du Physalis franchetti, tantôt du Physalis alkekengi. À moins que ce soit le Physalis gigantea...
Pour arranger les choses, c'est le Physalis heterophylla qui pousse chez nous à l'état sauvage et c'est le Physalis pruinosa que nous cultivons pour son petit fruit sucré/acide, lequel petit fruit nous appelons parfois « alkékenge ». Ou « cerise de terre », ce qui est plutôt étonnant, puisqu'il ne pousse pas dans le sol, mais à environ 40 centimètres dans les airs, suspendu aux tiges branchues du plant mère.
Bref, on nage en pleine confusion. Et le pire c'est qu'on aime ça! « Cerise de terre », donc, ou « alkékenge, coqueret, coquerelle, lanterne chinoise, herbe à cloques, amour en cage, groseille du Cap, cerise d'hiver, cerise des Juifs, mirabelle de Corse ». Sous ces divers noms se cachent diverses espèces de Physalis, toutes proches les unes des autres et qui varient surtout par la taille de leurs fruits et la couleur de leur calice.
Physalis viendrait du grec phusalis et signifierait « vessie », par allusion au calice gonflé. « Alkékenge » vient de l'ancien français « alquequange », lequel dérivent de l'arabe al-kakang. « Coqueret » et « coquerelle » sont une allusion au calice rougeâtre dans lequel est enfermé le fruit et qui fait penser à une crête de coq. « Groseille du Cap » réfère à une espèce proche, largement cultivée en Afrique du Sud.
Et ça se mange?
Les baies d'une dizaine d'espèces de Physalis, dont notre heterophylla, ont été consommées, fraîches ou dans des confitures, par diverses tribus amérindiennes - Omaha, Ponca, Pawnee, Sioux du Lakota, Zuni, Sioux du Dakota et Kiowa. Des fouilles archéologiques effectuées dans divers sites des provinces des Prairies (Canada) ont d'ailleurs permis de découvrir des graines de physalis carbonisées.
Quant à la cerise de terre cultivée - Physalis pruinosa - c'est assez récemment qu'elle est devenue populaire au Québec. Et pourtant, on en trouvait déjà à l'époque lointaine de mon enfance! Mais pour diverses raisons, la mode n'a jamais vraiment décollé. Jusqu'à ce que quelque chef ingénieux décide de l'intégrer à sa cuisine du terroir - mot magique s'il en est -, ce qui l'a propulsée au rang de vedette typiquement locale. « Locale » dans plusieurs localités, s'entend...
Conservée dans son enveloppe et au frais, on peut la garder très longtemps. On peut la manger crue, cuite, en purée, ou la préparer en confiture, sorbet, marmelade. Ou en faire une fabuleuse mousse, riche à souhait et, de ce fait, très mauvaise pour le tour de taille.
En passant, c'est sous le nom de fool que les anglophones désignent ce type de mousse. Pourquoi fool? Pour les romantiques, c'est parce que le mot était autrefois employé comme terme affectueux, comme dans : My dear old fool! Pour les pragmatiques, ce serait plutôt un emprunt au français « fouler », pour désigner l'opération qui consiste à transformer les fruits en purée. À vous de choisir votre version de l'histoire. Moi, je choisis la version romantique. Voyez ma recette de Folle mousse d’amour en cage dans Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Inconnu dans la tradition anglaise ou allemande, le coqueret (Physalis alkekengi) a pourtant été largement employé en France où l'on affirmait qu'une cure de 30 à 40 baies chaque matin à jeun pendant 15 à 20 jours remplaçait une saison à Vittel, station thermale de la région des Vosges où l'on soignait les maladies du foie, des reins et du métabolisme. Au Québec, il faisait partie de la pharmacopée officielle. On l'employait dans les fièvres, les rétentions d'urine, l'hydropisie et la jaunisse. Éliminateur de l'acide urique, on le considérait comme excellent contre les problèmes rhumatismaux.
Bien qu'on ait administré les feuilles et les tiges, ce sont surtout les baies ou leur jus qui ont servi de remède. On peut faire sécher ces dernières en les coupant en deux pour accélérer le processus.
On peut manger les baies fraîches, comme on l'a dit plus haut, ou préparer une décoction, à raison de 20 g à 60 g de baies séchées par litre d'eau. Bouillir 5 minutes, infuser 10 minutes. On peut également faire macérer la plante (tige, feuilles et fruits) huit jours dans du vin blanc à raison de 30 g par litre. Filtrer. Prendre un verre par jour.
On raconte que les Indiens du Pérou utilisaient une espèce très proche, le Physalis pubescens, pour provoquer chez eux un état d'ébriété qui leur permettait de découvrir les dispositions naturelles de leurs enfants.
Par mesure de précaution
La physaline, un des principes actifs de la plante, serait abortive à haute dose. Les femmes enceintes devraient donc y aller mollo.
On a également dit qu'il fallait éviter de manger les fruits immatures. D'autres affirment que les feuilles sont toxiques. Il faut dire que la plante est une solanacée et qu'il existe autour de cette famille botanique toute une mythologie plus ou moins diabolique, de nombreuses plantes hallucinogènes et toxiques en faisant partie : la jusquiame, le datura, la morelle et la belladone, par exemple. Même les feuilles de la vulgaire pomme de terre - qui loge à la même enseigne familiale - sont toxiques. Idem pour les feuilles de tomate. Ce qui a poussé les tenants de certaines écoles diététiques à proscrire toutes les plantes de cette famille, sans considération pour le fait que les Indiens des Andes - lieu d'origine de ces légumes - consomment piments, pommes de terre et tomates depuis la nuit des temps. On sait d'ailleurs qu'il aura fallu plusieurs décennies et des tonnes d'ingéniosité pour faire accepter la tomate et la pomme de terre comme aliments aux Européens, lesquels se sont longtemps limités à les cultiver comme plantes décoratives par crainte de mourir empoisonnés s'ils consommaient le fruit de l'une ou le tubercule de l'autre.
À cause de tout cela et parce qu'on ignore à peu près tout des Physalis, peut-être vaudrait-il mieux s'en tenir aux fruits mûrs et au jus et éviter les fruits immatures ainsi que les tiges et les feuilles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire