Esquisses sur la sociologie végétale
Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu de la phytosociologie ?
Si l’on regarde l’étymologie, le terme nous renvoie à la sociologie des plantes. Or, la sociologie des plantes est tout simplement l’étude de la végétation, les plantes n’étant pas prises individuellement mais regardées au travers de leurs regroupements. Alors que la sociologie s’intéresse aux sociétés d’Hommes, la phytosociologie s’intéresse aux sociétés des plantes : pourquoi telles espèces se regroupent ? Comment ces sociétés de plantes fonctionnent ? La phytosociologie part du principe que ces regroupements, ces communautés de plantes ne sont pas distribuées de manière aléatoire. Elle s’oppose finalement à la botanique, qui est l’étude des individus, des plantes elles-mêmes.
Les communautés de plantes ont une certaine raison statistique d’exister. Et, comme ce sont des combinaisons répétées, le scientifique va d’abord les décrire, puis trouver leur logique d’existence. Quels sont les facteurs environnementaux et écologiques qui font qu’on retrouve des communautés identiques dans des lieux différents ?
Pour expliquer ces communautés,
Le phytosociologue s’intéresse au sol…
Pour comprendre ces communautés, le scientifique possède plusieurs clés d’entrée et en premier lieu, effectivement, les facteurs écologiques liés aux sols. Le phytosociologue regarde : le substrat, la roche mère et, ensuite, les sols qui vont se former.
Puis, autre clé importante : le climat. Non seulement le climat général, le macro-climat au niveau de la région, mais également le mezo climat qui s’impose à l’échelle d’un vallon. Et, plus fin encore, le scientifique fait la distinction entre versants. Il observe le climat qui s’exerce à l’échelle de la communauté.
Mais il y a encore une troisième clé : elle est liée à l’observation des paramètres du vivant. Et quand je dis vivant, je parle des animaux et, éventuellement, des végétaux qui participent au cycle de recyclage de la matière, mais aussi -fortement- à l’Homme. Vous imaginez bien que l’Homme a un impact important sur nombre de communautés végétales.
En règle générale, ce sont toujours les moyens humains et financiers qui limitent le champ d’investigation. Très souvent, nous sommes obligés, du moins dans un premier temps, de nous contenter des paramètres les plus palpables. Mais le but est, quand même, de réunir autour des communautés le plus d’informations écologiques possibles.
Qu’en est-il du protocole scientifique ?
La méthode de travail consiste à établir une liste des espèces présentes, à noter des informations sur les aspects quantitatifs, sur la structure de la végétation… Parallèlement, les informations sur l’écologie du lieu sont relevées.
Effectués suivant un protocole très précis, ces relevés phytosociologiques sont la base de cette science. Ils constituent des photographies scientifiques de communautés végétales que l’on va pouvoir comparer, puis rassembler par catégories. Catégories que l’on nomme, d’ailleurs, associations.
Ainsi, si l’espèce est l’unité fondamentale de classification des plantes, l’association est l’unité de classification des communautés végétales.
Donc nous pouvons tout simplement dire que la phytosociologie est la science étudie les relations entre les plantes et de ce fait les associations végétales.
Cette discipline est relativement récente. Les végétaux se regroupent le plus souvent par affinités et ces relations sont étudiées grâce à l’analyse de relevés de ces groupements. Trois méthodes usuelles sont à retenir :
la phytosociologie sigmatiste
la phytosociologie synusiale intégrée
la phytosociologie des groupes écologiques
La phytosociologie sigmatiste, dont les bases ont été établies en 1901 par Flahault, a été mise au point en 1915 par Josias BRAUN-BLANQUET (1884-1980). Ce botaniste suisse créa la Station Internationale de Géobotanique Méditerranéenne et Alpine (SIGMA) à Zurich puis s’installa à Montpellier, d’où le nom de phytosociologie zuricho-montpelliéraine donné à cette approche. Cette école ne prend pas en compte la dynamique de la communauté végétale, mais révèle la fidélité des espèces au sein des associations végétales.
C’est une méthode descriptive de l’ensemble de l’association présente et, à mon avis, elle est
plus intuitive que la suivante.
La phytosociologie synusiale intégrée est née dans les années quatre-vingt à partir des travaux de trois chercheurs : Bruno DE FOUCAULT (université de Lille 2), François GILLET (université de Neuchâtel) et Philippe JULVE. Pour ces chercheurs, elle n’est pas opposée à la sigmatiste mais complémentaire. La phytosociologie synusiale s’attache à décrire les plus petites unités visibles sur le terrain, exemple un simple chemin d’exploitation comprend de son centre vers les bordures ; la bande centrale, les bandes de roulement, la bordure foulée de ce chemin, la bordure fauchée, l’accotement non fauché. Toutes ces unités forment des synusies décrites indépendamment l’une de l’autre et les relations entre elles sont étudiées après cette analyse fine. Il en est de même pour les forêts où l’on distingue les strates muscinale, herbacée annuelle, herbacée vivace, arbustive basse, arbustive haute, arborescente basse et arborescente haute. Elle permet de mieux appréhender les aspects structuraux et historiques des associations décrites et de prévoir l’évolution possible de l’association végétale présente.
La phytosociologie des groupes écologiques consiste à une classification des unités de végétation selon la fréquence des espèces en relation avec les facteurs écologiques qui prédominent. Exemples psammophiles, halophiles, xérophiles, sciaphiles, héliophiles, …
Dans les trois cas des analyses semi-quantitatives sont faites en abondance-dominance et parfois en sociabilité (échelle à 6 ou 7 degrés de Braun-Blanquet : r, +, 1, 2, 3, 4, 5) le r (présence d’un seul individu) étant souvent ignoré et regroupé avec +.